Le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) maintient l'ultimatum qu'il a adressé à Équiterre, qu'il accuse de violer la Loi électorale québécoise, laissant planer la menace d'une amende pouvant aller de 10 000 à 50 000 $.

Dans un entretien accordé à La Presse en fin de journée, hier, le directeur général des élections du Québec, Pierre Reid, a défendu sa décision, affirmant qu'elle était basée sur une « analyse qui a été faite de façon très rigoureuse ».

L'organisation écologiste a reçu lundi une mise en demeure du DGEQ la sommant de retirer de son site internet les réponses des principales formations politiques aux « priorités environnementales » d'un collectif de 11 organismes de défense de l'environnement dont elle fait partie.

« Comme ce document d'analyse et l'utilisation du site web pour le diffuser impliquent nécessairement un coût, cette publicité constitue une dépense électorale », peut-on lire dans la mise en demeure, qu'Équiterre a transmise aux médias.

Le DGEQ, qui qualifie Équiterre de « syndicat » dans sa missive, n'a pas voulu expliquer pourquoi elle était la seule des 11 organisations du collectif à qui il avait expédié une mise en demeure.

ÉQUITERRE REFUSE D'OBTEMPÉRER

« C'est rien de moins que de la censure », a déclaré le directeur général et cofondateur d'Équiterre Sidney Ribaux lors d'une conférence de presse, hier, parlant d'une « interprétation abusive et exagérée de la Loi [électorale] ».

Ce n'est pourtant pas la première fois que l'organisation se livre à un tel exercice, a-t-il rappelé.

« Jamais, en 25 ans, on n'a reçu ce type d'avis-là. » - Sidney Ribaux, d'Équiterre

Équiterre et ses partenaires estiment que la décision du DGEQ priverait les électeurs québécois d'une information non partisane « qui les aidera à faire un choix éclairé le 1er octobre ».

L'organisation, qui estime ne pas avoir violé la Loi électorale, dont elle dit d'ailleurs appuyer les objectifs, n'obtempérera donc pas à l'ultimatum du DGEQ.

« Si nous avons une amende, nous la contesterons devant les tribunaux », a déclaré M. Ribaux, disant refuser de contribuer à créer un « dangereux précédent ».

SUITE INCERTAINE

Que fera le DGEQ devant ce refus d'obtempérer ?

« Je verrai quelle suite donner », répond laconiquement Pierre Reid.

Se défendant de vouloir réduire au silence les groupes écologistes, il affirme que « ce qui [les] guide [dans leurs décisions], ce n'est pas un groupe en particulier ou des enjeux qu'on peut trouver plus ou moins importants », mais bien les articles de la Loi électorale, notamment au sujet des « coûts » rattachés aux interventions des tiers.

Son organisation se montre-t-elle plus sévère que par le passé ? « Je ne pourrais pas vous dire, je n'ai pas connaissance que de telles interventions ont été faites [lors des précédentes campagnes électorales] », répond-il.

APPEL À LA MOBILISATION

« Tous les partis ont participé volontairement [à l'exercice du collectif], ça démontre qu'ils n'avaient pas de problème avec cette démarche-là », a déclaré Patrick Bonin, de Greenpeace Canada, qui participait aussi à la conférence de presse.

Présent également, le directeur général pour le Québec et l'Atlantique de la Fondation David Suzuki, Karel Mayrand, a lancé un appel à la mobilisation de l'ensemble des groupes de la société civile.

« Ce qui risque de se produire, c'est un refroidissement des mouvements sociaux dans les périodes électorales, car on change soudainement l'interprétation de la loi », a-t-il évoqué, avant de lancer : « Si on ne peut plus participer aux débats publics, qu'est-ce qui reste ? »

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LA CSQ ÉGALEMENT MISE EN DEMEURE

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) a également reçu une mise en demeure du Directeur général des élections du Québec (DGEQ), a appris La Presse. Dans une missive datée du 13 septembre, le DGEQ reproche au syndicat la publication sur son site internet d'un bilan du gouvernement Couillard et d'un comparatif des programmes des principaux partis. « On dénonce l'interprétation abusive et trop restrictive faite par le DGEQ durant cette élection », a répondu à La Presse Marie-Eve Imonti, attachée de presse de la CSQ, ajoutant que l'organisation « avait fait le même exercice sans recevoir de mise en demeure » durant la campagne électorale de 2014. Afin de démontrer sa « bonne foi », la CSQ a retiré le bilan du gouvernement de son site, mais y a laissé son comparatif. Elle n'a reçu aucune autre communication du DGEQ depuis.