Gaétan Barrette réclame un second mandat pour compléter sa réforme. « Je souhaite revenir à la Santé », affirme le ministre. Son plan d'action : une révision du mode de financement des hôpitaux. « Il va y avoir des grincements », mais « la survie du système de santé » en dépend.

En entrevue avec La Presse, Gaétan Barrette fait valoir que « c'est incontestable » : son bilan des quatre dernières années est « spectaculaire » et « très positif ».

« Je vais vous donner ça », dit-il, tendant une pile de feuilles qui déclinent ses 394 annonces faites durant le mandat. Puis il dépose sur la table un autre document, celui-là sur ses réalisations, par exemple la création de super-cliniques ouvertes 12 heures par jour, y compris la fin de semaine. Il doit d'ailleurs annoncer aujourd'hui l'ouverture d'une 49e clinique du genre. Il frôle la promesse électorale de 50.

Le « Polimètre » de chercheurs de l'Université Laval conclut que le gouvernement Couillard a réalisé 43 % de ses engagements dans le domaine de la santé ; et 35 % l'ont été partiellement. Le nombre de groupes de médecine familiale (GMF) est passé à 330, ce qui est plus élevé que l'engagement libéral. Mais contrairement à ce qui avait été promis, le gouvernement n'a pas instauré la gratuité de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) et de la tomodensitométrie (TDM) réalisées en clinique - il l'a fait seulement pour les échographies faites par les radiologues.

Un regret

« Chaque geste que j'ai posé, c'était pour régler une dysfonction » dans le système, plaide Gaétan Barrette dans ses bureaux de Québec qui offrent une vue sur l'hôpital Saint-Sacrement, de l'autre côté du chemin Sainte-Foy. Ce jour-là, l'urgence débordait, avec un taux d'occupation de 114 %. Quatre patients étaient sur civière depuis plus de 24 heures. La durée moyenne du séjour sur civière y dépassait 16 heures l'an dernier.

Québec s'est donné comme objectif une moyenne provinciale de 12 heures. Elle est passée de 16,7 heures en 2014 à 13,7 heures cette année. 

« Vous n'avez pas idée à quel point ça demande des efforts dans le réseau [pour atteindre ce résultat]. Les efforts ont été faits parce qu'il y a eu une direction de mise en place. C'est ça, la réforme. »

Il n'y avait aucun indice d'une fusion d'établissements et d'une réorganisation du réseau dans la plateforme électorale, mais la loi 10 s'est avérée nécessaire, selon lui, pour « enlever un intermédiaire qui avait des coûts sans effet ».

Quant à un autre volet de la réforme, l'accès aux services médicaux, Gaétan Barrette se félicite que 1,1 million de personnes de plus qu'en 2014 ont un médecin de famille. C'est un peu moins de 80 % de la population, alors que la cible à laquelle il s'était engagé était de 85 %. Chez les spécialistes, malgré des améliorations, il y a encore trop de patients qui attendent plus d'un an pour une intervention chirurgicale.

« Pour moi, le regret, c'est de ne pas être arrivé à destination », reconnaît le ministre. « Je suis extrêmement déçu de la façon dont les choses ont avancé en 2018. On a été très, très indulgents envers les médecins de famille et les spécialistes » en suspendant l'application des lois 20 et 130 qui prévoient des pénalités s'ils ne respectent pas les cibles.

Les médecins interpellés

Ces lois, « elles vont revenir » s'il est réélu. Il conclut que des « contraintes » sont manifestement nécessaires pour que les médecins atteignent les cibles auxquelles ils se sont eux-mêmes engagés.

« C'est un message que j'envoie à la communauté médicale : il faut écouter ce que la population demande. Moi, en venant en politique, je savais que la population voulait qu'on fasse quelque chose, et on a fait quelque chose : on a rempli le verre aux trois quarts. Il se trouve que la population veut avoir un verre plein. »

« Je la comprends, la population, parce qu'elle paie des impôts et des taxes, elle regarde la rémunération des médecins et elle s'attend à ce que le gouvernement fasse quelque chose. » - Gaétan Barrette

L'ex-président de la Fédération des médecins spécialistes convient que le dossier controversé des émoluments des médecins a « un effet » sur la perception des électeurs. « Il vient surtout masquer tous les autres éléments très positifs du bilan », déplore-t-il.

Prochaine étape

Le travail n'est pas terminé, selon Gaétan Barrette. « Je n'ai pas fini. Ça prend deux mandats. [...] Je souhaite revenir à la Santé », ajoute-t-il, précisant qu'une telle décision relève évidemment de Philippe Couillard.

Revenir pourquoi ? « Explorer de nouvelles possibilités pour la survie de notre système de santé. Il faut, d'après lui, « plus d'efficacité, plus de productivité, et [dégager] des économies qui sont réinvesties » dans les services par la suite.

Comment ? La mise en place du « financement à l'activité », aussi appelé « financement axé sur le patient », le dernier volet de sa réforme. Ce mode remplacerait le système actuel selon lequel les hôpitaux sont financés sur une base historique. Les libéraux avaient promis en campagne électorale que ce soit « largement implanté en 2017 », ce qui n'a pas été fait.

Une première étape est en cours, en vertu d'un projet-pilote lancé avec des cliniques privées il y a un an. Celles-ci ont obtenu le droit de faire des « chirurgies d'un jour » financées par l'État afin de comparer le coût d'une opération en clinique par rapport à l'hôpital. L'objectif est de fixer un coût moyen par activité et d'ajuster le financement des hôpitaux en conséquence.

« Je peux vous dire que les données préliminaires sont très favorables pour ce qui est du coût dans ces cliniques, à qualité comparable [à l'hôpital]. »

« On a des économies à date qui sont significatives. » Une opération serait donc moins chère en clinique. « Si on a un endroit où, pour la même procédure, on sauve 10 %, ça veut dire qu'on peut faire 10 % plus de procédures ! Ce n'est pas un exercice qui est fait pour sauver de l'argent » mais plutôt pour réduire les listes d'attente, plaide-t-il.

Il ouvre la porte à accorder des volumes d'interventions chirurgicales supplémentaires à des cliniques privées, des opérations qui seraient toujours financées par l'État et pas le patient lui-même. Selon lui, « il y en a plusieurs », des cliniques qui se montrent intéressées, essentiellement dans les régions de Montréal et de Québec.

Il reconnaît que ce nouveau financement pourrait bousculer les hôpitaux habitués aux budgets historiques et jugés moins efficients. « Bien oui, il va y avoir des grincements. Probablement qu'un chroniqueur va dire que Barrette, c'est un bulldozer. Mais moi, ma job, c'est de faire en sorte que les citoyens qui nous élisent en aient pour leur argent. Ma job, ce n'est pas de faire plaisir à tout un chacun dans l'administration. »

• 37 %: Augmentation du nombre d'interventions en soins à domicile par rapport à 2014

• 26,5 JOURS: Délai moyen d'attente en chirurgie oncologique, six jours de moins qu'en 2014

• 305 MILLIONS: Économies générées par une entente avec l'industrie du médicament

Source : ministère de la Santé du Québec