Les électeurs de Mascouche pourraient bientôt sceller le sort d'un des plus importants aéroports privés au Canada. Une dizaine de petits entrepreneurs du domaine de l'aviation se battent depuis des années pour empêcher la municipalité de vendre les terrains où ils sont installés. Ils craignent que la réélection du maire sortant Richard Marcotte les condamne à des années de lutte devant les tribunaux.

Pour un photographe aérien, Jean-Daniel Cossette en sait beaucoup sur le droit foncier. Depuis des années, il tente d'empêcher Mascouche de vendre un terrain gros comme une cinquantaine de terrains de football, situé près de l'autoroute 640. La piste d'atterrissage qui s'y trouve, c'est son gagne-pain.

 

«C'est comme si on voulait arracher le toit par-dessus nos têtes!» crache M. Cossette dans les locaux de son entreprise familiale. Sur un mur, au fond de la pièce, on aperçoit une gigantesque image aérienne du petit aéroport.

L'entrepreneur se bat depuis sept ans contre le maire de Mascouche, Richard Marcotte. Il se prépare à reprendre les armes si les citoyens de cette ville de 36 000 habitants le reportent au pouvoir.

«On sait très bien que, si M. Marcotte est réélu, on s'en va vers un procès», soupire-t-il.

En 1975, le gouvernement du Québec a cédé le vaste terrain à Mascouche pour la somme symbolique de 1$. La Ville s'est alors engagée à ne l'utiliser que pour des «fins municipales». On a convenu d'ériger un petit aéroport.

Au fil des ans, quelques entreprises, ateliers de mécanique et écoles de pilotage, ont acquis des parcelles du terrain pour ériger des hangars. L'aéroport, propriété municipale, a été déficitaire pendant plusieurs années, mais la Ville a réglé le problème en créant une corporation pour le gérer.

Engranger une fortune

Au début des années 2000, le maire Marcotte propose de vendre l'aéroport. Son argument est simple: le terrain est stratégiquement situé le long des autoroutes 640 et 25, et l'aéroport ne rapporte rien aux contribuables. Et en plus, la Ville devra bientôt investir entre 2 et 4 millions pour le rendre conforme à de nouvelles normes de sécurité. La vente permettrait à la Ville d'engranger une fortune et l'acquéreur devrait payer des impôts fonciers.

«Nous ne sommes pas des gestionnaires naturels d'un aéroport», résume Richard Marcotte en entrevue.

En 2001, le ministère des Transports offre à Mascouche de renoncer à son droit de regard sur le terrain. Des pourparlers s'engagent et, en décembre 2002, un fonctionnaire télécopie à la Ville un document interne qui porte à croire que le Ministère accepte de renoncer à son droit de regard sur le terrain contre 214 308$. Moins d'une semaine plus tard, le conseil municipal approuve la revente du terrain à un concessionnaire automobile pour 1,8 million.

Il s'avère que quelques mois auparavant, la Ville avait modifié le zonage des terrains de l'aéroport «afin d'y autoriser les commerces de vente et de réparation d'automobiles», affirme le ministère des Transports dans un document présenté en Cour supérieure.

Tout de suite, les entreprises installées à l'aéroport s'adressent aux tribunaux pour faire bloquer la vente. Le ministère des Transports change son fusil d'épaule et tente d'empêcher la transaction, qui avorte finalement en 2005. Mascouche engage des poursuites contre le gouvernement, l'accusant d'avoir renié sa propre parole. La cause doit être entendue en février.

Le ministère des Transports affirme que la Ville n'a pas joué franc jeu lors des négociations. À aucun moment, il n'a cru que Mascouche souhaitait fermer l'aéroport. «Les représentants du Ministère ignoraient alors les transactions en cours» entre la Ville et le concessionnaire automobile, Délec Automobiles, affirme-t-il.

En pleine expansion

Reste que le terrain, situé dans une ville en pleine expansion, est très convoité. Même les aviateurs le reconnaissent.

«On se bat contre des gros joueurs, confie Paul Payette, pilote amateur qui possède un appareil Beechcraft. Je ne sais pas si on va tenir.»

Richard Marcotte rêve de voir s'y implanter un parc d'entreprises de nouvelles technologies, un peu comme on retrouve au Technoparc de l'arrondissement de Saint-Laurent. Il dit ne pas s'opposer à ce que l'aéroport poursuive ses activités, à condition que les entreprises qui y sont installées achètent le terrain et payent les impôts fonciers.

Le maire espère que la vente des terrains rapportera entre 5$ et 7$ le pied carré, soit de 12 à 16 millions. À cette somme s'ajoutent les centaines de milliers de dollars qu'un éventuel acheteur devra verser en impôt foncier.

Son adversaire aux élections, Serge Hamelin, s'étonne que le maire espère retirer autant de la transaction, lui qui a tenté de vendre le terrain pour 1,8 million il y a sept ans à peine.

«C'est soit une mauvaise gestion, soit une opération malhonnête, dénonce le chef d'Horizon Mascouche. Si on vend quelque chose 10 fois moins cher que sa valeur marchande, ce n'est pas un exemple de bonne gestion.»

S'il est élu, M. Hamelin promet de stopper les procédures engagées par la Ville contre le ministère des Transports et de lancer des travaux pour embellir l'aéroport.