Presque un mois après avoir annoncé des mesures pour accélérer l'accueil de réfugiés syriens au Canada, le gouvernement conservateur n'a toujours pas posé les gestes promis.

Le 19 septembre dernier, Ottawa a annoncé une série de mesures pour s'assurer que toutes les demandes de réfugiés syriens déjà reçues soient traitées «avant la fin décembre» et que 10 000 réfugiés syriens puissent s'installer au Canada avant septembre 2016, soit 15 mois plus tôt que prévu.

Cette annonce avait été provoquée par le tollé soulevé devant l'image d'Alan Kurdi, petit garçon syrien mort noyé en tentant de rejoindre l'Europe.

Un mois plus tard, le gouvernement conservateur n'a toujours pas doublé, tel qu'annoncé, le nombre d'employés au pays qui sont à évaluer les nouvelles demandes de parrainage de réfugiés. Ils sont donc encore seulement 15 fonctionnaires à faire ce travail, en attendant les renforts.

Pour ce qui est des agents de visas supplémentaires promis aux ambassades, on continue, au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, à parler de leur envoi au futur.

Une «coordonnatrice spéciale» nommé discrètement

Cependant, le 5 octobre, Ottawa a nommé, sans tambour ni trompette, une «coordonnatrice spéciale de la réinstallation des réfugiés syriens et iraquiens». On ignore le mandat exact de Deborah Tunis, qui a quitté sa retraite pour prendre le poste.

Le 19 septembre, on annonçait que ce coordonnateur devrait, entre autres, aider «les Canadiens souhaitant secourir les réfugiés à communiquer avec des organismes de parrainage expérimentés».

«C'est quelqu'un qui connait déjà le milieu, qui connait le ministère», s'est réjouie Janet Dench, du Conseil canadien des réfugiés (CCR).

Mais Mme Dench s'inquiète pour le reste. Ainsi, elle n'a toujours rien vu de concret pour appliquer une mesure majeure annoncée il y a un mois. «Nous dispenserons temporairement les Syriens et les Iraquiens de l'obligation de fournir une preuve du statut de réfugié pour pouvoir être parrainés», pouvait-on lire dans l'annonce.

«C'est un règlement qui exige ça», souligne Mme Dench en parlant de cette preuve de statut. «Comment ils vont éviter l'impact du règlement? (...) C'est la loi au Canada. Il faut soit changer le règlement, soit utiliser un processus discrétionnaire pour exempter ces réfugiés du règlement», explique-t-elle.

Le ministre sortant de la Citoyenneté et de l'Immigration, Chris Alexander, avait fait grand cas de la suspension de sa campagne électorale, le 3 septembre, pour prendre le temps de gérer ce dossier. M. Alexander était de retour dans son comté d'Ajax moins de 24 heures après avoir suspendu ses activités électorales.

Le samedi 19 septembre, il annonçait la série de mesures qui devaient calmer la colère suscitée par la mort du petit Kurdi.

Depuis, une série de révélations sur le dossier des réfugiés syriens a mis le gouvernement conservateur sortant dans l'embarras.

On a ainsi appris que le bureau du premier ministre avait ordonné la suspension, en juin, du traitement des dossiers référés par le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR). Cette suspension ne visant pas les réfugiés parrainés par des organismes privés, on a pu supposer que le gouvernement conservateur a voulu ralentir l'entrée de réfugiés musulmans sunnites.

Le gouvernement conservateur ne s'est jamais caché de vouloir donner la priorité aux réfugiés syriens chrétiens et membres d'autres minorités, un choix dénoncé par plusieurs organismes humanitaires, dont le CCR.

Selon des sources de La Presse Canadienne, c'est Stephen Harper lui-même qui a ordonné, il y a environ un an, qu'on donne la priorité aux réfugiés chrétiens, allant ainsi à l'encontre des conseils des fonctionnaires.