Le chef conservateur Stephen Harper a tourné en dérision l'annonce de Justin Trudeau hier, qui a admis qu'un gouvernement libéral pourrait engendrer un déficit « modeste » pendant trois ans afin de stimuler l'économie en investissant dans des projets d'infrastructure.

Mais des économistes et experts des finances publiques voient plutôt d'un bon oeil l'approche proposée par le chef libéral, au-delà des risques politiques que présente une telle prise de position en pleine campagne électorale.

C'est le cas entre autres de Kevin Page, l'ancien directeur parlementaire du budget fédéral, qui enseigne maintenant à l'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa. M. Page a noté que l'approche peut être justifiée dans le contexte où « nous avons une économie en récession en 2015 » et que les taux d'intérêt et le ratio dette-PIB sont bas.

« Une bonne politique publique qui mène à de meilleurs résultats économiques est aussi de la bonne politique »,

Le Parti libéral (PLC) a promis hier de faire « l'investissement le plus important du Canada en matière d'infrastructure » en faisant passer cette enveloppe de 65 à 125 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années.

Ce faisant, le chef Justin Trudeau a reconnu qu'un gouvernement libéral présentera un déficit « modeste » de 10 milliards au cours des deux prochaines années, et qu'il prévoit retourner à l'équilibre budgétaire en 2019.

Le PLC se distingue ainsi du Parti conservateur et du NPD, qui ont promis au cours des derniers jours de ne pas faire de déficit malgré le ralentissement de l'économie canadienne et mondiale.

M. Harper a sauté sur l'occasion pour railler l'annonce de son adversaire libéral. « Il dit qu'il va présenter un déficit modeste, un déficit miniature, tellement petit que vous pouvez à peine le voir ! », a-t-il lancé au cours d'un discours prononcé devant ses partisans à Hamilton, hier après-midi.

« Nous avons vu cela, a-t-il ajouté. Regardez le désordre dans lequel on se retrouve en Ontario avec les déficits modestes du gouvernement libéral ! »

Stimuler l'économie

Mais à l'instar de Kevin Page, la demi-douzaine d'économistes et experts des finances publiques interrogés par La Presse ont été moins enclins que le chef conservateur à dénoncer cet engagement.

« Du point de vue strictement économique, avec le dégonflement de la bulle pétrolière, ce n'est peut-être pas un mauvais moment au Canada de mettre sur la table des dépenses d'infrastructure » pour stimuler l'économie, a analysé Serge Coulombe, professeur au département de science économique de l'Université d'Ottawa.

Quant aux déficits, il invite à voir au-delà de l'épouvantail politique et souligne qu'ils peuvent s'avérer utiles dans certaines circonstances. « Ce qui est important du point de vue économique, c'est que le ratio dette-PIB diminue. »

« Or, quand il y a une certaine croissance économique au Canada, on peut avoir un certain déficit budgétaire et les revenus vont quand même croître rapidement. »

Son confrère de l'Université de Sherbrooke François Delorme abonde dans le même sens et souligne qu'en l'absence de marge de manoeuvre du côté des taux d'intérêt, des investissements en infrastructure peuvent être un bon outil pour stimuler l'économie - même si cela empêche le gouvernement d'équilibrer le budget à court terme. « C'est risqué pour un politicien, mais je fais le pari de l'intelligence des électeurs », a-t-il dit.