Réduire le déficit tout en investissant dans l'éducation, les familles, l'environnement; c'est le pari que prend Michael Ignatieff.

La plateforme du Parti libéral du Canada, dévoilée en grande pompe dimanche, prévoit une réduction du déficit à 1% du PIB en 2 ans. Selon les prévisions du ministère des Finances, cela signifierait que le déficit serait réduit à 18 milliards de dollars à la fin de l'exercice financier 2012-2013 d'un nouveau gouvernement libéral.

Mais les troupes de Michael Ignatieff prévoient aussi dépenser 8,2 milliards de dollars en 2 ans, selon le plan présenté dimanche.

Sans surprise, la plateforme libérale énonce les différentes mesures annoncées dans les derniers jours: bourses pour l'éducation postsecondaire, bonification du supplément de revenu garanti, soutien aux aidants naturels, fonds pour les garderies. Certaines des mesures libérales, comme le passeport pour l'apprentissage et l'aide aux aînés les plus pauvres, n'entreraient toutefois en vigueur que la deuxième année.

Un éventuel gouvernement libéral mettrait aussi en place un crédit permanent d'impôt pour la rénovation domiciliaire, qui remplacerait le programme écoÉNERGIE, dont le renouvellement pour une année a été annoncé dans le budget conservateur 2011-2012, qui n'a toutefois jamais été adopté.

Les libéraux maintiendraient le programme conservateur la première année, puis utiliseraient la même somme de 400 millions de dollars pour financer leur mesure à partir de l'année suivante, offrant jusqu'à 13 500$ en crédits d'impôt pour améliorer l'efficacité énergétique d'une maison.

Un gouvernement libéral annulerait aussi immédiatement l'allègement fiscal au secteur des sables bitumineux - ce qui lui permettrait d'économiser près de 500 millions de dollars en 2 ans - et investirait dans la recherche pour en faire une exploitation moins polluante.

Annulation de la baisse d'impôts

La principale source de revenus prévue au plan libéral est l'annulation de la baisse d'impôts accordée par les conservateurs aux grandes entreprises depuis janvier 2011. Cette mesure permettrait aux libéraux de récupérer 3 milliards de dollars la première année, 5,2 milliards l'année suivante, pour atteindre 6 milliards d'ici 4 ans.

Logement abordable, incitatif à l'embauche des jeunes, éducation des autochtones et formation des anciens combattants sont autant de mesures supplémentaires annoncées dans la plateforme, un document de 100 pages.

Quelques grands absents

Le programme compte toutefois de grands absents: aucune mention n'y est faite de la compensation de 2,2 milliards réclamée par Québec pour l'harmonisation de sa taxe de vente. Si le chef libéral maintient qu'il s'agit d'une demande légitime, il n'est pas arrivé, dimanche, à expliquer pourquoi ce n'est pas dans la plateforme. «Nous aurons les moyens de livrer la marchandise au Québec», s'est contenté de dire Michael Ignatieff.

Le financement pour un nouveau pont Champlain n'apparaît pas non plus, ni aucun argent frais pour la construction d'un nouveau Colisée à Québec.

«Le prochain budget libéral, si nous avons l'honneur de former le gouvernement, mettra l'accent surtout sur les familles. Parce que nous pensons pouvoir livrer la marchandise dès le premier budget, a dit M. Ignatieff. Je sais que nous aurons à faire des choix difficiles. Nous n'avons pas creusé ce trou de 56 milliards de dollars, mais si je dirige ce pays, je vais le sortir de ce trou.»

«Nous avons de l'expérience là-dedans», a-t-il ajouté, en référence aux gouvernements libéraux qui ont éliminé un déficit dans les années 90. Mais le chef libéral a omis de dire que ce retour à l'équilibre budgétaire s'était alors fait en sabrant les transferts aux provinces, ce que l'actuel chef libéral a promis de ne pas faire.

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ENVIRONNEMENT

Dans la lutte contre les changements climatiques, les libéraux proposent un virage draconien par rapport aux conservateurs de Stephen Harper. Outre la création d'un programme permanent pour la rénovation domiciliaire écoénergétique et l'abolition de l'allègement fiscal à l'industrie des sables bitumineux, le Parti libéral propose de quadrupler d'ici à 2017 la quantité d'énergie renouvelable produite, en y investissant 140 millions de dollars par année. Michael Ignatieff appuie aussi la mise en place d'un système de plafonnement et d'échange des émissions de CO2. Les libéraux ont promis de respecter l'engagement international de maintenir la hausse des températures à moins de 2 °C et ont réitéré la cible de réduction à long terme des émissions de 80% d'ici à 2050 par rapport au niveau de 1990. Ces engagements ont été bien reçus par les groupes environnementalistes, qui y voient un pas important dans la bonne direction par rapport aux politiques des dernières années. Ils reprochent toutefois à M. Ignatieff de ne rien proposer en matière de transports collectifs.

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CULTURE

S'inscrivant en faux avec les mesures conservatrices, Michael Ignatieff s'engage à soutenir les artistes canadiens. Il veut notamment rétablir le financement des programmes pour le rayonnement de la culture canadienne à l'international, sabrés par Stephen Harper, et estime qu'il est temps de «mettre fin au snobisme qui dit que les créateurs sont des enfants gâtés», a lancé le chef libéral. Ainsi, un éventuel gouvernement libéral doublerait le budget annuel du Conseil des arts du Canada, et assurerait un financement stable et prévisible à Radio-Canada/CBC.