Les Canadiens peuvent s'attendre à de nouvelles tribulations parlementaires si une troisième élection successive ne réussit pas à établir la prépondérance d'un parti à la Chambre des communes, disent des experts des questions constitutionnelles.

Parmi les scénarios possibles, la gouverneure générale, Michaëlle Jean, pourrait carrément dire non à la requête d'un premier ministre de dissoudre le Parlement en vue de tenir encore un autre scrutin en quelques mois, selon un politologue réputé.Si le chef conservateur Stephen Harper remporte une minorité, et qu'il cherche à déclencher les quatrièmes élections fédérales en cinq ans à peine, il est peu probable que Mme Jean accède immédiatement à sa demande, soutient le professeur Donald Savoie, de l'Université de Moncton. A son avis, elle pourrait rejeter, et rejetterait probablement la demande du premier ministre, et inviterait le leader de l'Opposition à rencontrer la Chambre pour voir si son gouvernement aurait la confiance du Parlement, dit l'universitaire.

Malgré la loi qui prévoit la tenue d'élections à date fixe, loi qu'a fait adopter M. Harper après les dernières élections (et dont il n'a pas tenu compte lorsqu'il a appelé les citoyens aux urnes), un scrutin demeure possible en tout temps sous un gouvernement minoritaire.

Mais M. Savoie et d'autres experts disent qu'étant donnée la succession rapide d'élections fédérales tenues au cours des quatre dernières années, Mme Jean, qui détient ultimement le pouvoir constitutionnel de dissoudre le Parlement, pourrait être réticente à entraîner les Canadiens aux urnes une fois de plus, aussi rapidement.

La décision pourrait dépendre du temps qu'il faudra pour que le prochain affrontement sur une question de confiance du Parlement survienne.

Si M. Harper remporte une pluralité des sièges, il y a peu de chances que Mme Jean refuse de lui reconnaître le droit de gouverner, indépendamment du nombre réel de sièges récoltés, que ce nombre soit plus ou moins élevé qu'aux élections de 2006.

«Le gouverneur a un conseiller - le premier ministre, dit M. Savoie. Je ne crois pas que la gouverneure générale puisse dire non, même si les néo-démocrates et les libéraux, ou quelque autre parti, avaient accepté de former une coalition.» Mais Mme Jean est peu susceptible de dire oui rapidement à une demande de dissolution à court terme, ajoute-t-il.

Le professeur Nelson Wiseman, de l'Université de Toronto, convient que la stabilité d'un gouvernement minoritaire va se renforcer à mesure que le temps passe, particulièrement si le gouvernement survit à son premier test de confiance.

«Le pouvoir discrétionnaire de la gouverneure générale est limité, note M. Wiseman. Sa tâche consiste à trouver quelqu'un qui peut l'assurer qu'il ou elle peut garder la confiance de la Chambre. Elle est limitée s'ils ont établi qu'ils avaient la confiance de la Chambre.»

«Si M. Harper remporte le vote sur le Discours du trône, alors la question est de savoir combien de temps encore il doit garder cette confiance», ajoute M. Wiseman. Sur ce point, dit-il, les opinions varient. Mais Mme Jean n'accéderait vraisemblablement pas à une demande de dissolution du premier ministre pendant au moins six à neuf mois, selon le professeur.

Les chefs de l'opposition feraient probablement attention avant de forcer la tenue d'élections trop rapidement, mais M. Harper doit lui aussi se montrer prudent en cas de minorité, quelle qu'elle soit, analyse le professeur Keith Archer, de l'Université de Calgary.

Si le gouvernement déposait un budget inacceptable aux autres partis, ou lisait un Discours du trône contenant des éléments avec lesquels les gens seraient notoirement en désaccord, les partis d'opposition pourraient prétendre que c'est le gouvernement qui a entraîné le déclenchement de nouvelles élections, et que c'est lui qui est à blâmer, explique M. Archer. Cependant, en l'absence d'une «pilule empoisonnée» évidente dans un Discours du trône ou un budget gouvernemental, «les autres partis devraient conclure qu'ils ne peuvent pas défaire le gouvernement pour le moment».