Le constat de « mirage » est partagé par des experts du milieu de l’éducation et des parents d’enfants à besoins particuliers consultés par La Presse dans le cadre de cette enquête.

« J’ai le même son de cloche un peu partout au Québec quand je mène des entrevues pour mes recherches », confirme la professeure en administration scolaire à l’Université TÉLUQ et professeure associée à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue Geneviève Sirois.

Les enseignants non légalement qualifiés sont souvent dans des postes plus difficiles, notamment dans des classes d’adaptation scolaire, « ce qui est encore plus paradoxal », ajoute l’experte, car ce sont « les enfants avec les plus grands besoins ».

Au-delà du mirage, cette experte pour qui la situation est très inquiétante y voit des droits bafoués.

On a l’obligation d’adapter les services éducatifs pour que l’élève fasse des apprentissages.

Geneviève Sirois, professeure en administration scolaire à l’Université TÉLUQ et professeure associée à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

Le chercheur et expert de cette question à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse Daniel Ducharme partage le même constat. Dès 2018, la Commission avait tiré la sonnette d’alarme.

Dans une étude sur l’organisation des services aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA), la Commission concluait que les 200 000 élèves HDAA du Québec méritaient « nettement mieux que de quitter le secondaire, sans diplôme ni qualification pour 40 % d’entre eux, une situation qui ne s’est pas améliorée dans les 20 dernières années ».

Cinq ans plus tard, « le cri d’alarme se maintient », résume M. Ducharme. Déjà à l’époque, la Commission concluait à un essoufflement généralisé du personnel des commissions scolaires – devenus centres de services scolaires depuis – au regard de leurs obligations face aux élèves HDAA. Des enseignants se plaignent de ne pas être assez formés pour travailler auprès d’eux, mais il y a aussi des directions d’école qui manquent de formation quant aux services obligatoires à offrir à ces mêmes élèves.

Parmi les plaintes sur la discrimination en lien avec un handicap reçues à la Commission, « ce qu’on voit souvent », dit-il, ce sont des plaintes par rapport à des classes où il n’y a pas de titulaire fixe.

Dans une même année, plusieurs enseignants – pas toujours légalement qualifiés – se succèdent dans la même classe, ce qui a un impact important sur les apprentissages des enfants dans les classes d’adaptation scolaire, mais aussi dans les classes ordinaires dans lesquelles ces enfants sont intégrés.

« On peut penser à des classes pour des élèves vivant avec un trouble du spectre de l’autisme où le maintien de la stabilité dans la classe est particulièrement important, rappelle le chercheur. Ce n’est pas sécurisant quand l’enseignant change à répétition. »