Il n’est pas « acceptable » que des élèves du primaire voient défiler plus d’une quinzaine de profs en une seule année scolaire, mais c’est une situation causée par la pénurie d’enseignants, dit le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville.

Ce qu’il faut savoir

C’est en raison de la pénurie d’enseignants que des élèves ont vu défiler une quinzaine de profs dans leur classe de 1re année, à Montréal, dit le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville.

La situation n’est pas « acceptable », dit le ministre Drainville. Elle n’est pas unique à cette classe, témoigne une autre enseignante de Montréal.

Il arrive que les personnes qui sont appelées à remplacer dans les classes ne soient tout simplement pas qualifiées pour faire le travail, dit la présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire.

« Il faut renverser la pénurie si on veut éviter que des situations comme celles qui sont racontées dans La Presse [mercredi] matin se produisent », a-t-il déclaré mercredi.

Lisez Pénurie d’enseignants « Un ballet de “profs” en 1re année »

Cette « situation », c’est celle d’une classe de jeunes de 1re année de Montréal. Ces élèves ont connu très peu de stabilité depuis le début de l’année scolaire en raison de nombreux remplacements successifs, une « valse des allers-retours » parfois « chaotique », décrivait la mère d’un enfant de cette classe à La Presse.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Bernard Drainville

Ce n’est pas une situation qui est acceptable, sauf que c’est une situation avec laquelle nous devons malheureusement vivre compte tenu de la pénurie d’enseignants.

Bernard Drainville, ministre de l’Éducation

Le cas de l’école Dollard-des-Ormeaux n’est pas unique. Une enseignante d’une autre école primaire de Montréal a témoigné à La Presse que des enfants de 1re année n’ont pas eu d’enseignante stable avant le début du mois de mars.

« À ma connaissance, aucun parent n’a manifesté d’inquiétude », dit-elle, tout en ajoutant qu’une grande majorité des élèves ne parlent pas français à l’extérieur de l’école.

« Plusieurs enfants ont des parents qui ne sont pas outillés pour les soutenir à l’école », ajoute cette enseignante, qui craint de subir des représailles si on l’identifie.

À l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES), on montre aussi du doigt la pénurie d’enseignants pour expliquer que des élèves vivent de tels changements en classe en une seule année.

« Les gens qui peuvent remplacer sont peu expérimentés ou pas tout à fait qualifiés. C’est difficile, ils n’ont pas tous les outils et la tâche leur semble complexe », dit sa présidente, Kathleen Legault.

Parfois, dit-elle, les profs qui remplacent partent parce qu’ils ne sont tout simplement pas capables d’enseigner.

« On accueille quelqu’un et on se rend compte qu’il n’y a pas de gestion de classe, que la personne ne maîtrise pas le contenu, ne maîtrise pas suffisamment le français… on ne peut pas la garder », illustre Kathleen Legault.

Qualité de l’enseignement

Dans un rapport publié il y a quelques mois, le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) s’est inquiété des conséquences de la pénurie d’enseignants sur les élèves.

« L’ensemble des élèves subissent les conséquences de la pénurie de personnel enseignant, notamment en voyant plusieurs personnes défiler dans leur classe, parfois dans la même journée, quand leur enseignante ou leur enseignant doit s’absenter », écrivait notamment le Conseil.

La succession de plusieurs enseignants suppléants « brise la routine et expose les élèves à une qualité variable d’enseignement », ajoutait le CSE.

C’est surtout en début d’année scolaire que des parents se plaignent d’un trop grand roulement de profs, dit Sylvain Martel, porte-parole du Regroupement des comités de parents autonomes du Québec (RCPAQ).

Même à partir de deux, trois changements dans l’année, ça commence à jouer un peu sur le sentiment d’appartenance et d’implication de l’élève dans sa classe. S’il faut recommencer chaque fois, on n’avance pas.

Sylvain Martel, porte-parole du Regroupement des comités de parents autonomes du Québec

En attendant que la pénurie se résorbe, que faire pour assurer une stabilité aux élèves ?

Le porte-parole du RCPAQ explique que lorsqu’un jeune élève est transféré d’école en raison d’un redécoupage du territoire, par exemple, on va le « protéger » les années suivantes. « Les politiques d’inscriptions sont ainsi faites », dit-il.

Peut-être pourrait-on envisager de protéger ainsi les élèves qui ont subi de trop nombreux changements de profs dans une année scolaire.

« Ces élèves qui ont vu plusieurs personnes dans leur classe cette année, pourrait-on leur assurer une stabilité d’enseignant, au moins pour l’an prochain ? », demande M. Martel.

Avec la collaboration d’Hugo Pilon-Larose, La Presse