Les profs voteront dans les prochaines semaines pour entériner, ou pas, des ententes de principe qui ont été signées par leurs syndicats avec Québec. Même si ces ententes étaient rejetées, un nouveau recours à la grève est peu probable, disent deux spécialistes des relations de travail.

Dans les derniers jours, bien des profs – surtout ceux affiliés à la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) – ont exprimé haut et fort leur déception quant à l’entente de principe signée avec le gouvernement.

Tant Mélanie Dufour-Poirier, professeure de l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal (UdeM), que Diane Gagné, professeure en relations de travail à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), disent que la grève générale illimitée des enseignantes de la FAE n’est pas sans lien avec à cette réaction.

« Comme les gens s’étaient engagés sans fonds de grève, les attentes risquaient d’être plus élevées », observe Mélanie Dufour-Poirier.

« Ils ont été longtemps en grève : 22 jours, c’est plus qu’un mois », rappelle pour sa part Diane Gagné. « Ils avaient probablement des attentes très élevées, c’est normal. Ils ne savent pas encore [ce que contient l’entente]. Les gens sont un peu en mode [hypothèse] », ajoute la professeure de l’UQTR.

Après Noël, bien des parents ont reconduit leurs enfants à l’école avec un soupir de soulagement. Se pourrait-il qu’ils aient à composer avec une nouvelle grève des profs, si l’entente de principe est rejetée ?

À mon avis, ils ne retourneront pas en grève. Ça ne serait pas un bon outil pour le moment. Mais refuser [l’entente de principe], c’est un message clair, qui dit que les conditions de travail qui sont sur la table, ce n’est pas ce qui est voulu ».

Diane Gagné, professeure en relations de travail à l’UQTR

Si les 66 000 membres de la FAE choisissent cette voie et veulent donner du pouvoir de négociation à leur exécutif syndical, ils devront rejeter « fortement » cette entente conclue avec Québec, ajoute Mme Gagné. Un retour à la table de négociations serait alors possible et des gains pourraient être obtenus par le syndicat au chapitre des conditions de travail des enseignants.

« Le gouvernement pourrait leur permettre de sauver la face en donnant des bonbons. C’est ça l’important dans une joute de négociations comme celle-là : il faut que tu penses que tu es condamné à vivre ensemble, après », explique la professeure de l’UQTR.

Faire cavalier seul

Advenant le cas où l’entente est rejetée, le rapport de forces syndical serait différent de celui des derniers mois, tout comme l’opinion publique, estime quant à elle Mélanie Dufour-Poirier.

« Vous feriez cavalier seul dans le secteur de l’éducation ? C’est une stratégie qui est difficilement jouable et viable », croit la professeure de l’Université de Montréal, qui ajoute qu’il en va aussi de la crédibilité de l’exécutif syndical.

Alors que les profs s’apprêtent à se prononcer dans les prochains jours, ce sera aux dirigeants syndicaux de bien expliquer pourquoi c’est cette entente qu’ils présentent à leurs membres, dit-elle.

C’est un vote de confiance, quelque part. [Le syndicat] dit : on est allés jusqu’au bout d’où on pouvait aller. Il n’y a jamais d’entente parfaite. En tant qu’exécutif, on pense qu’on n’aurait pas pu aller plus loin.

Mélanie Dufour-Poirier, professeure de l’École de relations industrielles de l’Udem

Amener des gens en grève est « une lourde responsabilité », rappelle-t-elle.

« Ils ont tenu longtemps. Si en plus vous arrivez au terme de l’exercice et que ça ne passe pas, ou que ça passe à 60 %, ça veut dire qu’il y a de la grogne à l’intérieur de l’organisation et ce n’est pas bon pour les dirigeants syndicaux », poursuit Mélanie Dufour-Poirier.

La Fédération autonome de l’enseignement n’a pas souhaité accorder d’entrevue à ce sujet.

Un syndicat affilié à la FAE recommande à ses membres de rejeter l’entente

En début de semaine, le conseil d’administration du Syndicat de l’enseignement de la Haute-Yamaska (SEHY), affilié à la FAE, a recommandé à ses membres de rejeter l’entente de principe conclue avec Québec, en raison du « mépris apparent » du gouvernement envers les profs.

La présidente de ce syndicat, Sophie Veilleux, n’a pas voulu commenter cette décision « avant que les membres se soient prononcés ».

Toutefois, dans son courriel, le syndicat écrit qu’elle estime que l’entente de principe « n’améliore pas de manière significative [les] conditions de travail, dont la composition de la classe ».

La professeure Diane Gagné dit qu’elle n’est pas surprise. « Ça a toujours été l’instance la plus radicale, ils ont toujours été plus revendicateurs », explique-t-elle.

Les votes des syndicats affiliés à la FAE se poursuivent jusqu’au 25 janvier.

« Tout est possible. Ce sont les membres qui décident, en fin de compte », conclut Diane Gagné.