(Québec) Contrairement à ce qu’a dit mercredi François Legault, c’est « jovialiste, pour ne pas dire complètement irréaliste », d’envisager un retour en classe lundi, soutient la présidente de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), Mélanie Hubert, tout en admettant que « le gouvernement a fait des pas » pour en arriver à un règlement.

La cheffe syndicale se demande si, dans les faits, le premier ministre a plutôt l’intention de recourir à une loi spéciale pour forcer le retour au travail des 66 000 enseignants de la FAE en grève depuis le 23 novembre.

« Je ne vous cacherai pas [qu’en ce qui concerne] la déclaration de M. Legault, quand nous, on sait qu’aux tables ça ne va pas si bien que ça, on se demandait quelle était la réelle intention. Parce que la seule façon dont on voyait un retour en classe lundi, c’était s’il y avait une loi spéciale. Parce qu’on ne voyait pas comment, par la négociation, on y arriverait. Ça sème le doute dans les esprits. Ça sème l’inquiétude chez les membres », a-t-elle affirmé en conférence de presse, jeudi à Québec.

Selon elle, envisager un retour en classe lundi, « c’est jovialiste, pour ne pas dire complètement irréaliste et déconnecté de ce qui se passe à la table » depuis le début de la semaine. Car « il n’y a pas encore assez de texte ficelé pour être rendu là ».

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

La présidente de la Fédération autonome de l’enseignement, Mélanie Hubert

Elle a accusé le gouvernement de jouer au « yoyo » à la table de négociation, en faisant des propositions une journée pour les retirer le lendemain. On n’a pas atteint « un rythme de croisière » dans les pourparlers pour espérer un règlement rapide, a-t-elle déploré. Les propos de M. Legault ont mis « en colère » les enseignants, qui « n’ont pas l’intention de rentrer » au travail même en l’absence de fonds de grève.

Mélanie Hubert a précisé que si une hypothèse de règlement apparaît à la table, la FAE devra convoquer son conseil fédératif de négociation pour déterminer s’il y a bel et bien entente de principe. Si c’est le cas, la grève serait levée. Mais il faudrait négocier un « protocole de retour au travail ». Et il est possible que les élèves ne soient pas en classe aussitôt. La première journée de travail des enseignants pourrait servir à se préparer au retour des élèves, a-t-elle expliqué.

Pendant que Mme Hubert était toujours en conférence de presse, la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a réagi sur les réseaux sociaux en se disant étonnée des propos de la cheffe syndicale. « Nous sommes extrêmement surpris des propos de la FAE à ce stade-ci et nous sommes convaincus qu’une entente est à portée de main avec les avancées importantes qui sont sur la table pour les enseignants et les élèves. Mais nous ne pouvons pas régler seuls », a-t-elle écrit.

Questionnée au sujet de cette sortie, Mélanie Hubert a tenu des propos plus nuancés. « Des journées comme [mercredi], effectivement, nous amènent vers un règlement. Rapide ? Je ne le sais pas. Mais assurément, on était du bon côté. Il faut que ça continue dans ce sens-là. C’est vrai que le gouvernement a fait des pas. On en a fait aussi. […] Je suis d’accord avec Mme LeBel : il y a eu sur la table des propositions intéressantes, mais il faut cesser les montagnes russes et continuer de travailler sur chaque sujet et ne pas reculer d’une journée à l’autre, une journée ça marche, une journée ça ne marche pas. »

Deux éléments sont en litige : la composition de la classe et les échelles salariales.

Dans une déclaration envoyée aux médias, Sonia LeBel a souligné que « le gouvernement a proposé des mesures jamais vues qui constitueraient des avancées importantes pour les enseignants quant à la composition de la classe : évaluation de la lourdeur des tâches, aide à la classe et compensations possibles ». Or la FAE demande que le gouvernement s’engage clairement, par exemple, à augmenter le nombre de classes spécialisées accueillant des élèves en difficulté. Compenser l’absence d’un tel engagement par une hausse salariale n’est pas acceptable, selon Mélanie Hubert.

La présidente du Conseil du trésor a ajouté que « des pas importants ont aussi été faits concernant l’autonomie professionnelle, la surveillance des récréations, le temps de nature personnelle et les journées pédagogiques ».