(Québec) Le gouvernement Legault demande aux universités anglophones d’avoir un plan de francisation « plus ambitieux » en contrepartie d’une hausse moins marquée des droits de scolarité pour les étudiants des autres provinces canadiennes.

Or l’Université McGill estime que l’augmentation des frais demeure importante et qu’elle lui fera perdre beaucoup d’argent et d’étudiants. Elle rappelle que le plan de francisation qu’elle a proposé était conditionnel à un recul du gouvernement sur cette mesure.

La Presse a révélé mercredi que le gouvernement Legault augmenterait de 33 % les droits de scolarité des étudiants du reste du Canada au lieu de pratiquement les doubler.

Lisez « Étudiants des autres provinces : une hausse moins marquée des droits de scolarité sur la table »

D’après nos informations, la facture pour ces étudiants passerait finalement de 9000 $ à 12 000 $ par année à l’automne 2024. Ce scénario serait soumis au Conseil des ministres bientôt, en vue d’une annonce la semaine prochaine.

Pas de confirmation de la ministre Déry

Le gouvernement Legault a soulevé l’ire des universités anglophones en annonçant en octobre que les droits de scolarité seraient pratiquement multipliés par deux pour atteindre 17 000 $.

« C’est perçu comme une grosse avancée de la part du Ministère de passer de 17 000 $ à 12 000 $, mais en réalité, l’impact sur nos universités va être à peu près le même », affirme en entrevue Fabrice Labeau, premier vice-principal exécutif adjoint de l’Université McGill. L’université perdrait 55 % des étudiants venant des autres provinces. À 12 000 $, les droits pour un étudiant en arts et en sciences, les disciplines les plus prisées, seraient beaucoup plus élevés que ceux qu’exigent les universités de Toronto et de Colombie-Britannique, selon lui.

Lors d’une mêlée de presse mercredi, la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, n’a voulu ni infirmer ni confirmer nos informations sur des droits de scolarité de 12 000 $ – informations qui ont été validées par d’autres sources gouvernementales par ailleurs.

« Je ferai le point là-dessus en temps et lieu. Pour moi, l’important, c’est qu’on francise les étudiants et qu’on les retienne davantage », a-t-elle affirmé.

Elle a des discussions avec les recteurs des universités anglophones au sujet du plan de francisation qu’ils ont soumis au premier ministre François Legault lors d’une rencontre à ses bureaux, le 6 novembre. Les recteurs ont proposé de franciser au moins 40 % de leurs étudiants non francophones venant du reste du Canada et de l’étranger, notamment avec l’instauration de cours obligatoires. Ils suggèrent que ces étudiants « atteignent un niveau de français 6 de l’Échelle québécoise, équivalent à un niveau B2 du Cadre européen commun de référence pour les langues, lors de l’obtention de leur diplôme ». Le niveau 6 est le stade intermédiaire de connaissance du français dans l’échelle comprenant 12 niveaux.

« L’initiative ne va pas assez loin », a affirmé Pascale Déry. Elle veut des « cibles plus concrètes » et des « gestes plus concrets ». « On est en train de travailler sur un plan plus ambitieux », a-t-elle ajouté.

« Je ne vois pas comment c’est réaliste »

Les recteurs de McGill et Concordia ont proposé d’instaurer des cours et des activités obligatoires de français langue seconde « dans un délai de trois ans ». Or, selon nos informations, le gouvernement veut que ces mesures soient instaurées dès 2025. Il souhaite également lier une partie du financement des universités à la réalisation du plan de francisation.

Fabrice Labeau rappelle que les universités ont proposé de mettre en œuvre un plan de francisation à condition que le gouvernement renonce à hausser les droits de scolarité des étudiants des autres provinces et abandonne la nouvelle tarification pour les étudiants étrangers.

« Si on nous demande de faire le tout, donc absorber des pertes de 42 à 94 millions à McGill, et en plus de développer un plan de francisation, je ne vois pas comment ça marche, cette affaire-là. Je ne vois pas comment c’est réaliste », a-t-il soutenu. Les cibles proposées par McGill sont déjà très ambitieuses selon lui.

Selon nos informations, Québec entend maintenir la nouvelle tarification annoncée pour les étudiants étrangers. Il veut fixer un tarif plancher à 20 000 $, montant sur lequel le gouvernement entend percevoir 3000 $.

Pour le député péquiste Pascal Bérubé, le gouvernement Legault « est en train de reculer quant à sa mesure sur les frais de scolarité pour les étudiants canadiens » et tarde à déposer le plan d’action attendu sur la langue française.