(Québec) Le gouvernement Legault s’apprêterait à amoindrir la hausse des droits de scolarité annoncée pour les étudiants venant des autres provinces canadiennes, a appris La Presse. Il les augmenterait de 33 % au lieu de pratiquement les doubler, selon le scénario sur la table à Québec.

Il entend toutefois maintenir sa nouvelle tarification pour les étudiants étrangers.

D’après nos informations, la facture pour les étudiants du reste du Canada passerait finalement de 9000 $ à 12 000 $ par année à l’automne 2024. Ce scénario serait soumis au Conseil des ministres bientôt, en vue d’une annonce la semaine prochaine.

Le cabinet de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, n’a ni confirmé ni infirmé nos informations mardi soir. Il s’est contenté de dire qu’une annonce sur la tarification des étudiants de l’extérieur du Québec aurait lieu bientôt.

Le gouvernement Legault a soulevé l’ire des universités anglophones en annonçant en octobre que les droits de scolarité seraient pratiquement doublés pour atteindre 17 000 $.

McGill et Concordia ont dit s’attendre à perdre de nombreux étudiants et beaucoup d’argent ; l’Université Bishop’s a soutenu que sa survie était menacée.

Pascale Déry justifiait sa décision en disant que « ce n’est pas aux contribuables québécois de financer la formation de milliers d’étudiants canadiens hors Québec ». À 17 000 $, les droits de scolarité correspondraient au coût moyen de la formation d’un étudiant pour l’État québécois, expliquait-elle. Cette estimation a été contestée par les universités anglophones.

Le gouvernement disait récupérer 110 millions par année avec cette mesure. La cagnotte serait redistribuée aux universités francophones afin de « rééquilibrer » le financement du réseau, disait Pascale Déry.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, et le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, lors de l’annonce à la mi-octobre

Avec des droits de scolarité fixés à 12 000 $, on comprend que le gouvernement pourrait récupérer, et redistribuer aux établissements francophones, environ 41 millions, si l’on se fie à sa méthode de calcul.

Le gouvernement Legault n’a toutefois pas l’intention de renoncer à la nouvelle tarification qu’il a annoncée pour les étudiants étrangers et qui a également été condamnée par les universités anglophones. Il fixera un tarif plancher à 20 000 $ pour ces étudiants, somme sur laquelle il percevra 3000 $. Les sommes amassées serviront à augmenter le financement des universités francophones.

Plan de francisation

Il faut s’attendre à ce que la grogne persiste chez les universités anglophones. Les recteurs ont rappelé dans les dernières semaines que les droits de scolarité actuels de 9000 $ sont globalement comparables à ceux en vigueur dans les universités ailleurs au Canada, comme le gouvernement le reconnaît lui-même dans les règles budgétaires annuelles destinées aux universités. À 12 000 $, la facture serait plus élevée au Québec pour plusieurs programmes.

Les universités anglophones demandaient que le gouvernement recule sur ses deux mesures annoncées en octobre.

Lors d’une rencontre avec le premier ministre François Legault le 6 novembre, leurs recteurs lui ont offert en contrepartie de franciser au moins 40 % de leurs étudiants non francophones venant du reste du Canada et de l’étranger, notamment avec l’instauration de cours obligatoires. Selon nos informations, Québec souhaite qu’un tel programme de francisation soit mis en œuvre rapidement.

Mesure spéciale pour Bishop’s

Dans le cas de l’Université Bishop’s, le gouvernement a l’intention d’adopter une mesure spéciale pour tenir compte de sa situation particulière. De passage à Sherbrooke samedi, le premier ministre François Legault a laissé entendre que cette université pourrait être épargnée.

Il a affirmé que sa députée locale Geneviève Hébert (Saint-François) « s’est battue dans les dernières semaines pour que Bishop’s soit exemptée des nouvelles mesures ». « Parce que oui, il y a des inquiétudes à avoir sur l’avenir du français à Montréal, mais je n’ai pas d’inquiétudes pour ce qui est de Sherbrooke. »

Il faut savoir que les nouveaux tarifs pour les étudiants étrangers et des autres provinces s’inscrivent dans le plan d’action du gouvernement sur l’avenir de la langue française.

Quelque 32 000 étudiants provenant de l’étranger et des autres provinces canadiennes fréquentent les universités McGill, Concordia ou Bishop’s, signalait Jean-François Roberge dans une entrevue avec La Presse. « C’est beaucoup de personnes qui viennent au Québec, qui fréquentent une université anglophone et qui bien souvent s’expriment en anglais au quotidien, disait-il. Si on veut changer le profil linguistique de Montréal, arrêter le déclin à Montréal, il faut s’intéresser à la question du rééquilibrage des réseaux universitaires. »

Une pétition de 33 342 signatures contre le gouvernement

Une pétition de 33 342 signatures a été déposée à l’Assemblée nationale mardi pour demander au gouvernement « d’annuler la hausse des droits de scolarité imposée aux étudiants internationaux et canadiens non résidants du Québec ». C’est une initiative de l’Union étudiante du Québec et des associations étudiantes des trois universités anglophones. Elle est au cinquième rang des pétitions ayant récolté le plus de signatures depuis l’arrivée au pouvoir de la Coalition avenir Québec, en 2018. La députée libérale Marwah Rizqy, qui a présenté la pétition au Salon bleu, a déploré en conférence de presse que la nouvelle tarification ait été annoncée au départ sans consultation préalable auprès des étudiants.