Une entente entre la professeure Verushka Lieutenant-Duval et l’Université d’Ottawa concernant le « mot commençant par N » a été conclue. Les clauses de cet accord, survenu lors d’un processus d’arbitrage, demeurent toutefois confidentielles.

« Les parties ont convenu de résoudre entièrement les griefs et l’ensemble des différends entre elles à la satisfaction mutuelle de toutes les parties impliquées. La résolution demeure confidentielle », écrit l’arbitre Michelle Flaherty, dans une sentence rendue le 13 juin dernier. « En conséquence, je ne tire aucune conclusion dans le cadre de la présente procédure arbitrale et le dossier est maintenant clos », ajoute-t-elle.

Verushka Lieutenant-Duval, qui était chargée de cours à l’Université d’Ottawa, a été retirée temporairement de ses fonctions après avoir prononcé le « mot commençant par N » dans le cadre d’un cours sur la représentation des identités sexuelles dans les arts visuels, à l’automne 2020. Dans les mois qui ont suivi l’évènement, la professeure a soutenu que l’université ne lui avait jamais demandé sa version des faits avant de la retirer de ses fonctions.

L’arbitre Michelle Flaherty, dans la décision de trois pages, résume les positions respectives de l’Université d’Ottawa et de la professeure Verushka Lieutenant-Duval, représentée par son syndicat, l’Association des professeur·e·s à temps partiel de l’Université d’Ottawa (APTPUO).

« La Plaignante fut au centre d’une tempête médiatique, souvent amplifiée par les réseaux sociaux. Elle a perdu son droit à l’anonymat. Ses informations personnelles, y compris son adresse et son numéro de téléphone, furent publiées sur Twitter et ailleurs. Elle a reçu de nombreux messages, par moments menaçants », selon l’APTPUO.

« Pendant ce temps, l’Université a émis des communications qui décrivent ses propos comme étant inacceptables et inappropriés, sans pour autant avoir pris le temps de visionner les interactions avec les étudiants, et avant même de rencontrer la Plaignante pour obtenir sa version des faits », ajoute le syndicat.

« Pour l’APTPUO, les agissements réactifs de l’Université ont causé un mal irréparable à la plaignante. L’importance de l’équité procédurale n’est pas seulement un droit qui est octroyé au bénéfice des individus affectés par une décision, mais aussi pour les décideurs. En ayant plus d’information, les décisions prises sont réfléchies et intelligibles », lit-on dans la sentence arbitrale.

Devant l’arbitre, l’Université a pour sa part maintenu avoir agi de bonne foi.

« Pour l’Université, il est important de reconnaître que contrairement à ce qui a été rapporté dans les médias lors des évènements de l’automne 2020, la plaignante n’a pas été suspendue de façon disciplinaire ni congédiée. Elle est demeurée une employée de l’Université avec salaire, et aucune mesure disciplinaire n’a été imposée à la plaignante ni versée dans son dossier », selon l’Université.

L’établissement affirme également que l’utilisation du « mot commençant par N » n’était pas un enjeu dans l’évènement. « Ce qui est au cœur des décisions et actions de l’Université, prises conformément à la convention collective, ne découlait pas du choix de la plaignante de prononcer ce mot, mais plutôt des évènements au cours suivant, lesquels ont donné lieu à une crise nécessitant une intervention de la part de l’Université », poursuit l’Université d’Ottawa.

À la suite de ce cours, l’établissement affirme qu’elle a reçu des plaintes d’étudiants. « L’Université se devait d’intervenir temporairement et rapidement afin de bien comprendre la situation et de mettre en œuvre une approche réconciliant les intérêts des étudiants, de la communauté et de la plaignante », lit-on.

« Au moment des évènements, l’Université se trouvait dans des circonstances particulières. L’enjeu du racisme était déjà au centre d’une réflexion collective importante et faisait l’objet de nombreuses interventions dans sa communauté et dans les différents médias », ajoute l’établissement d’Ottawa.

L’Université soutient aussi que ses communications avaient pour but de promouvoir l’équité, la diversité, l’inclusion ainsi que la liberté d’expression et la liberté de l’enseignement. « La liberté d’expression et la liberté académique sont nécessaires au fonctionnement de toute université. La protection des échanges respectueux et des débats académiques en salle de classe est fondamentale en milieu universitaire », souligne l’Université.

Verushka Lieutenant-Duval et l’APTPUO n’ont pas voulu émettre de commentaires concernant cette entente. L’Université d’Ottawa n’a pas répondu à nos questions, mais a simplement affirmé, par courriel : « Les différends ont été résolus à la satisfaction mutuelle de toutes les parties impliquées. »

L’histoire jusqu’ici

23 septembre 2020

Verushka Lieutenant-Duval est suspendue de ses fonctions à la suite d’une plainte concernant l’utilisation du « mot commençant par N » lors d’un cours. Elle réintègre son poste trois semaines plus tard.

20 octobre 2020

Une lettre critiquant le traitement infligé à leur collègue est signée par 579 professeurs. Ils dénoncent un « précédent qui attaque de front la liberté d’enseignement ». Plusieurs élus québécois évoquent aussi un « dérapage ».

3 juin 2022

Québec adopte le projet de loi 32 pour mieux protéger la liberté de l’enseignement dans le milieu universitaire.

29 août 2022

Le processus d’arbitrage entre l’Université d’Ottawa et Verushka Lieutenant-Duval débute.