Pour certaines personnes, l’environnement est une valeur centrale, au point de devenir un critère primordial dans le choix d’un ou d’une partenaire. Et cette tendance pourrait prendre de l’ampleur dans les années à venir, les jeunes générations étant plus préoccupées par les changements climatiques.

« Est-ce qu’on peut prendre soin du monde ensemble ? »

Voilà une question que Laurie Gagnon-Bouchard, 31 ans, a envoyé à son amoureux par message texte, en début de relation. Elle trouvait important de souligner qu’elle voulait former une équipe pour adopter un mode de vie écologique – et aider la planète. « Un couple, c’est un début de projet collectif, dit l’étudiante au doctorat en pensée politique à l’Université d’Ottawa et chargée de cours en écoféminisme à l’UQAM. On n’a pas à porter tout le poids, seul. Ensemble, on peut changer nos habitudes… et changer le monde ! »

PHOTO ALEXANDRE FORTIN, FOURNIE PAR LAURIE GAGNON-BOUCHARD

Laurie Gagnon-Bouchard et son conjoint

Changer le monde. L’intention est noble, et Mme Gagnon-Bouchard n’est pas la seule à espérer faire bouger les choses positivement pour contrer la crise climatique, entre autres avec son couple.

Katherine Péloquin, professeure au département de psychologie de l’Université de Montréal et psychologue, le constate dans sa pratique : elle reçoit des couples en thérapie et s’intéresse aux valeurs qui les soudent… ou les divisent. « Les valeurs discutées en thérapie sont souvent les finances, la famille, l’éducation des enfants, la sexualité, les croyances religieuses et l’équité, indique-t-elle. On voit que la cause environnementale est un sujet qui revient… et il risque de revenir encore plus souvent. »

Surconsommation

Selon Mme Péloquin, les jeunes générations sont très mobilisées par la cause environnementale et les changements climatiques. Cela se reflète dans leurs gestes au quotidien et influence leurs décisions, et pas seulement celles liées à la consommation.

Si l’environnement est une valeur qui leur est chère, ce serait difficile de passer par-dessus dans le choix d’un conjoint ou d’une conjointe. Je pense par exemple à quelqu’un qui verserait dans la surconsommation en ligne, qui ne s’intéresserait pas au compost ou ne ferait pas de recyclage…

Katherine Péloquin, psychologue et professeure au département de psychologie de l’Université de Montréal

C’est un peu ce qu’a vécu Hugues Roy, un Lavallois de 30 ans. Sans se considérer comme un « militant écologiste », il se qualifie de « très sérieux dans sa démarche ». Célibataire, il cherche l’âme sœur… au cœur aussi vert que le sien. « Je n’ai plus de voiture depuis six ans, confie-t-il. Je ne peux pas sortir avec une fille qui se déplace en auto. Ça n’a pas de sens pour moi. Sur la question de l’environnement, elle doit partager mes points de vue… Sinon, comment pourrait-elle comprendre mon écoanxiété ? »

Cet aspect est crucial, croit Katherine Péloquin. « Si un des deux membres du couple n’est pas à l’écoute de l’écoanxiété de l’autre, ou s’il la minimise, ça ne pourra pas marcher, avance-t-elle. L’écoanxiété est représentative de l’époque dans laquelle on vit, et on en parle de plus en plus. »

Apprendre ensemble

Certains partenaires décident d’avancer ensemble dans l’adoption de nouvelles habitudes de vie plus écologiques. C’est le cas de Rebecca*, une infirmière de 41 ans, en couple depuis neuf mois. Cette Montréalaise a rencontré son copain par l’entremise d’une application de rencontre. Son premier critère n’était peut-être pas « la cause environnementale », mais il n’était pas très loin dans son palmarès.

« C’est très important, explique la mère de deux enfants de 6 et 11 ans. J’ai une conscience environnementale aiguë : je composte, je recycle, je n’utilise pas de plastique, j’achète dans les friperies et les bazars, je me déplace en transports en commun et à vélo, je réutilise beaucoup, ma nourriture est faite maison… »

Ce mode de vie n’est pas tout à fait partagé par son conjoint, qui ne vit pas avec elle.

Même si on est en désaccord, il fait ce qui lui plaît chez lui. C’est son mode de vie et c’est correct ! On respecte le choix de l’autre et on se place en mode adaptation. Et je vois qu’on s’influence mutuellement.

Rebecca*

Même son de cloche pour Laurie Gagnon-Bouchard, qui apprend de son amoureux – et vice versa. « On s’aide pour l’épicerie zéro déchet, pour la gestion des déchets, pour organiser notre espace, glisse-t-elle. On veut se faire des bacs de légumes et de fines herbes l’an prochain. Faire tout ça en équipe, c’est plus facile. »

Hugues Roy rêve d’une équipe, d’une « bulle » pour surmonter les défis de la vie… et de la crise écologique. « C’est ensemble qu’on va y arriver et peut-être que ça commence à deux ? Je suis d’accord qu’on ne peut pas mettre toute la responsabilité sur les citoyens… mais on ne peut pas penser non plus qu’on ne doit pas pousser à la roue. »

*Prénom fictif pour protéger l’identité de son conjoint et de ses enfants mineurs