La communauté anglophone a remporté une bataille contre le gouvernement Legault. La Cour supérieure du Québec a statué mercredi qu’abolir les commissions scolaires pour les remplacer par des centres de services scolaires enfreindrait les droits des anglophones. Le gouvernement du Québec évalue la possibilité de faire appel de la décision.

Ce qu’il faut savoir

  • L’abolition des commissions scolaires pour les remplacer par des centres de services scolaires viole les droits des anglophones, a statué la Cour supérieure du Québec mercredi.
  • Le gouvernement n’a pas effectué une consultation adéquate auprès de la communauté anglophone et n’a pas fait d’efforts pour recueillir leurs préoccupations, a déclaré le juge Sylvain Lussier.
  • La décision a été accueillie favorablement par les commissions scolaires anglophones. Le gouvernement du Québec envisage toutefois de faire appel de la décision.

Dans une décision publiée mercredi, le juge Sylvain Lussier conclut que « plusieurs des articles visés par ce recours portent atteinte aux droits de l’article 23 et que ces atteintes ne sont pas justifiées ». Cet article de la Charte canadienne des droits et libertés confère aux minorités linguistiques au Canada le droit de gérer et de contrôler leur système d’éducation.

Le jugement précise que les atteintes aux droits ne s’appliquent qu’aux commissions scolaires anglophones, et non aux centres de services scolaires francophones.

« Bien qu’il nous reste à étudier la décision en détail, nous sommes particulièrement ravis que nos droits aient été reconnus et respectés grâce à cette décision », a affirmé le président de l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ), Dan Lamoureux, par voie de communiqué. Il souhaite que le gouvernement n’interjette pas appel.

« Il s’agit d’une victoire importante non seulement pour la communauté anglophone du Québec, mais aussi pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire à travers le Canada », a quant à elle déclaré dans un communiqué de presse Eva Ludvig, présidente du Quebec Community Groups Network, un organisme qui défend les intérêts de la communauté anglophone du Québec.

De son côté, le cabinet du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a confirmé avoir pris « connaissance du jugement » et analyse la possibilité de faire appel de la décision.

Perte de gestion et de contrôle

En février 2020, le projet de loi 40 a été adopté sous bâillon pour modifier la Loi sur l’instruction publique et ainsi modifier l’organisation et la gouvernance des écoles publiques. Cette loi a entraîné le remplacement des commissions scolaires par des centres de services.

Les regroupements de commissions scolaires anglophones avaient alors soulevé des inquiétudes concernant les changements apportés par la loi 40, craignant la perte de pouvoir de gestion et de contrôle sur les établissements d’enseignement anglophones du Québec.

En août 2020, la Cour supérieure du Québec a accordé un sursis aux commissions scolaires anglophones, empêchant temporairement l’application de la loi 40. Le juge Sylvain Lussier a statué que la mise en œuvre de la loi entraînerait des dommages irréparables pour les commissions scolaires anglophones. Dans la décision rendue mercredi, le juge a prolongé le sursis jusqu’à ce que les délais d’appel soient expirés.

D’après le Tribunal, le gouvernement n’a pas effectué une consultation adéquate auprès de la communauté anglophone. Le juge a noté qu’il n’avait pas suffisamment pris en compte leurs besoins et « n’[avait] pas fait d’efforts pour recueillir [leurs] préoccupations ».

« Ça prend un village pour élever un enfant »

La loi 40 impose que les président et vice-président des conseils d’administration, ainsi que plusieurs de leurs membres, soient des parents d’élèves. Une mesure rejetée par le juge.

« Ces droits ne sont pas uniquement réservés aux parents ayant actuellement des enfants inscrits dans les écoles anglaises, mais également à ceux qui ont le droit de le faire, y compris les grands-parents qui jouent un rôle important dans l’éducation des enfants », peut-on y lire dans le jugement.

Le juge souligne d’ailleurs l’importance de la communauté dans l’éducation des enfants, en s’inspirant du dicton « ça prend un village pour élever un enfant ».

« La désignation des représentants de la communauté va au-delà du simple groupe des parents d’enfants inscrits à l’école. La loi doit viser à favoriser la participation des membres de la communauté à la gestion scolaire, dans un but d’épanouissement de cette communauté », ajoute-t-il.

La Cour n’a pas précisé quelles mesures devraient être prises pour satisfaire aux exigences de la Charte. « Il appartient à l’Assemblée nationale, dans sa discrétion, de les identifier », peut-on lire dans le jugement.

L’histoire jusqu’ici

Février 2020 : Le projet de loi 40, visant principalement à revoir l’organisation et la gouvernance des commissions scolaires, a été adopté sous bâillon.

Août 2020 : La Cour supérieure du Québec accorde un sursis aux commissions scolaires anglophones avant l’application de la loi 40.

Avril 2021 : Les commissions scolaires anglophones demandent à la Cour supérieure du Québec d’invalider la réforme de la gouvernance scolaire.

Août 2023 : L’abolition des commissions scolaires pour les remplacer par des centres de services scolaires viole les droits des anglophones, a statué la Cour supérieure du Québec.