Dure nouvelle pour la communauté universitaire francophone de l’Ontario : le gouvernement provincial a refusé la demande de financement émise par l’Université de Sudbury, vendredi après-midi.

Parmi ses demandes, Sudbury disait vouloir devenir une université entièrement francophone, afin de desservir adéquatement cette tranche de la population dans le nord de la province.

En revanche, cette proposition « ne correspond pas à la demande actuelle et aux tendances relatives aux inscriptions, ni la capacité actuelle des établissements existants à offrir une programmation en langue française dans le Grand Sudbury et aux quatre coins de l’Ontario », peut-on lire dans un courriel du sous-ministre adjoint Denys Giguère à l’intention de l’université, que La Presse a obtenu.

Dans ce même courriel, le ministère des Collèges et Universités identifie pourtant la favorisation de l’accès à « l’éducation postsecondaire en langue française » comme un intérêt de premier plan pour les étudiants.

« Notre première réaction, c’est la surprise, suivie de la déception. Ça fait six mois que le gouvernement de l’Ontario est au courant du projet », a réagi le recteur Serge Miville, au téléphone avec La Presse. « L’état du dialogue qui continuait aux deux semaines était toujours encouragent et constructif, puis la rétroaction qu’on recevait était toujours élogieuse. »

Afin d’appuyer son refus, le gouvernement provincial évoque notamment avoir conduit un examen des données relatives au marché du travail par rapport aux programmes offerts.

« On a fait une analyse du secteur et des besoins en matière de main-d’œuvre régionale en français, pour répondre aux besoins. Nous avons une approche axée sur les partenariats, ce qu’on ne voit pas souvent dans les milieux universitaires. C’est un projet novateur qui cherchait des solutions concrètes à des enjeux réels », souligne M. Miville.

C’est vraiment un revirement, de notre perspective, qui est surprenant. Notre relation est très bonne avec le ministère.

Serge Miville, recteur de l’Université de Sudbury

Rouvrir des cicatrices

Chez l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, même son de cloche. Il y a un goût amer, celui qui rappelle notamment l’élimination du projet de l’Université de l’Ontario français par l’administration Ford en 2018.

« C’est une grande déception, affirme son président, Fabien Hébert. C’était vraiment un projet sur lequel l’Ontario francophone comptait pour créer un bon continuum en éducation. Et on nous coupe l’herbe en dessous du pied. »

« Je crois que de refuser [le projet] à part entière sur le fait que la programmation ne rencontre pas leurs exigences, ça ne se fait pas. Ça fait partie du processus de discussion et non pas d’un refus catégorique », exprime-t-il.

Selon lui, il est faux « de penser qu’une université bilingue va remplir les besoins de la communauté francophone ».

Si un refus persiste, ça veut dire que gens de nord de l’Ontario, qui cherchent une université francophone depuis plus d’un siècle, ne l’auront pas. On va perdre un pilier de la communauté.

Serge Miville, recteur de l’Université de Sudbury

En mars, le gouvernement fédéral adoptait la loi C-13, et venait ainsi moderniser la Loi sur les langues officielles. L’un des objectifs : freiner le déclin du français à travers le Canada.

« C’est un peu un non-sens que dans la foulée de la loi C-13, on ne reconnaisse pas les besoins criants de la communauté francophone ontarienne en matière d’enseignement postsecondaire », argumente Fabien Hébert, qui évoque même le souvenir du règlement 17 de 1912. Ce règlement interdisait pratiquement l’usage du français comme langue d’enseignement dans les écoles ontariennes.

« On est encore en train de se battre aujourd’hui alors que l’éducation en français, ça devrait être une réalité en Ontario et pour les communautés francophones partout au Canada. »

L’Université de Sudbury mène son combat pour la francisation complète depuis deux ans, moment où le soutien qu’elle recevait de la part de l’Université Laurentienne a pris fin abruptement. Rappelons que la Laurentienne avait dû couper 70 programmes, dont 29 en français, en avril 2021.

Malgré le refus, Serge Miville n’entend pas renoncer au projet. De fait, il planifie continuer de s’assoir pour discuter avec le ministère. Pour lui, les Franco-ontariens méritent des institutions « à la hauteur de leurs aspirations ».

Cette initiative est d’ailleurs bien soutenue, chez la population. M. Miville se dit « reconnaissant » pour la solidarité exprimée envers la cause.

« Pour nous, ce n’est pas la fin. On va se retrousser les manches et travailler dur pour nos étudiants. »

En savoir plus
  • Règlement 17
    Adopté par le gouvernement de l’Ontario en 1912, il visait à l’époque à restreindre l’usage du français au profit de l’anglais dans les écoles fréquentées par la population francophone de la province.
    Université d’Ottawa