(Québec) Bernard Drainville serre la vis aux centres de services scolaires. Il se donne le pouvoir de nommer les directeurs généraux et d’annuler leurs décisions quand elles lui déplaisent. Il crée un Institut national d’excellence en éducation qui aura pour mission de diffuser les meilleures pratiques en enseignement et de se prononcer sur la formation des futurs profs. En matière de formation continue des enseignants, il veut aussi avoir son mot à dire.

Ce qu’il faut savoir

  • Bernard Drainville a déposé jeudi un projet de loi qui réforme pour la deuxième fois en trois ans la gouvernance scolaire.
  • Le ministre de l’Éducation se donne le pouvoir de nommer les directeurs généraux des centres de services scolaires et d’annuler leurs décisions quand elles lui déplaisent.
  • Le gouvernement crée un Institut national d’excellence en éducation. Son mandat sera de diffuser les meilleures pratiques en enseignement.

Cette nouvelle réforme, le projet de loi 23, dont les grandes lignes avaient été révélées par La Presse mercredi, a été déposée jeudi par le ministre de l’Éducation au Salon bleu. Le gouvernement la présente comme la suite de son dernier chantier en matière de gouvernance, alors qu’il avait aboli les commissions scolaires francophones pour les transformer en centres de services scolaires dans son premier mandat.

Dans son projet de loi, M. Drainville se donne pour objectif d’améliorer l’efficacité du réseau, ce qui aurait pour effet d’augmenter la réussite scolaire. Pour y arriver, il entend conclure des ententes annuelles de gestion et de reddition de comptes (« imputabilité ») avec chaque centre de services scolaire. Ces ententes seraient chiffrées et viseraient à établir des cibles quant à l’amélioration de la réussite des jeunes.

Dans l’éventualité où une décision qui est prise par un centre de services scolaire lui déplaît, Bernard Drainville se donne le pouvoir de l’annuler « et de prendre celle qui, à son avis, aurait dû être prise en premier lieu ». À l’avenir, la nomination des directeurs généraux sera faite par le gouvernement, sous recommandation du ministre, plutôt que par les conseils d’administration.

Une fois le projet de loi adopté, les directeurs généraux des centres de services scolaires et des commissions scolaires anglophones – qui contestent déjà la précédente réforme en matière de gouvernance scolaire devant les tribunaux – seront évalués pendant 18 mois. M. Drainville estime que la vaste majorité resteront ensuite en poste.

Les gestionnaires qui seront remerciés seront remplacés au terme d’un processus de nomination supervisé par le Secrétariat aux emplois supérieurs. Le ministre de l’Éducation a par ailleurs affirmé que son projet de loi respectait les Québécois d’expression anglaise. « Nous allons nous assurer que les directeurs généraux des commissions scolaires anglophones émanent de [cette] communauté », a-t-il dit.

Un pouvoir d’« exception »

En entrevue avec La Presse, en mars dernier, le premier ministre François Legault affirmait que certaines décisions prises par les directeurs généraux « ne font pas nécessairement notre affaire ». En point de presse, jeudi, Bernard Drainville n’a pas été en mesure d’identifier une de ces décisions.

Le ministre de l’Éducation a justifié ses nouveaux pouvoirs en expliquant qu’il devait actuellement mettre un centre de services scolaire sous tutelle s’il voulait modifier une décision, ce qui est « assez extrême ». Mettra-t-il son grain de sel à l’avenir dans des décisions qui sont prises localement ?

« À grande responsabilité grande imputabilité. Ce pouvoir-là, c’est un pouvoir d’exception. Honnêtement, j’espère ne pas avoir à l’utiliser. Ça va être dans des cas où tu as un centre de services qui se détache de la vision du gouvernement en matière d’éducation. Il va falloir que ce soit pas mal grave pour qu’un ministre de l’Éducation se prévale de ce pouvoir-là », a-t-il répondu.

L’objectif de cette nomination par le gouvernement des directions générales, c’est d’assurer une cohérence entre les orientations du gouvernement et la mise en exécution sur le terrain. […] Il faut de plus en plus que les centres de services scolaires prennent [les] décisions, en soient imputables et [qu’ils] viennent les expliquer publiquement.

Bernard Drainville, ministre de l’Éducation

M. Drainville veut aussi se donner les leviers nécessaires pour obtenir rapidement les données du réseau qui lui permettraient de mieux piloter le système. Par le passé, il a souvent affirmé son souhait de se doter d’un tableau de bord, comme il y en a un en santé, afin de mesurer la réussite scolaire en temps réel.

Un nouvel institut

L’Institut national d’excellence en éducation, que le gouvernement crée dans le cadre de son projet de loi, est un élément de la réforme qui risque de faire beaucoup jaser au sein de la profession enseignante. M. Drainville estime que le système scolaire doit améliorer ses pratiques en fondant ses actions sur les connaissances scientifiques issues de la recherche.

Ce nouvel organisme devient donc l’équivalent en éducation de ce qu’est l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) pour le réseau de la santé. Le conseil d’administration de l’institut sera composé de neuf membres, dont quatre personnes issues du secteur de l’éducation préscolaire, primaire ou secondaire.

Le projet de loi 23 modifie également le mandat du Conseil supérieur de l’éducation, qui devient par le fait même le Conseil de l’enseignement supérieur. Son mandat sera désormais circonscrit aux questions relatives aux cégeps et aux universités.

L’Institut national d’excellence en éducation aura notamment pour mandat de formuler des avis sur les programmes universitaires en formation des enseignants et de travailler conjointement avec les facultés d’éducation. Mais le dernier mot, « c’est le ministre [qui l’a] parce que c’est le ministre qui émet le brevet », a dit M. Drainville. Le ministre se donne aussi le pouvoir de prévoir par règlement les conditions et les modalités des formations continues des enseignants.

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