Le cas de Dominic Blanchette, cet enseignant ayant reconnu mardi avoir agressé sexuellement cinq fillettes et adolescentes sur plusieurs années, démontre que le réseau de l’éducation doit faire plus en matière de sensibilisation pour dénoncer des situations de violence, estiment des directions d’établissement et des enseignants. Le mot d’ordre : il faut tout faire pour « se ranger du côté de la victime ».

« S’il y a encore des cas pareils aujourd’hui, ça veut dire qu’on a encore du travail de sensibilisation à faire. Ça ne peut pas juste appartenir à l’école. Mais une psychoéducatrice qui fait régulièrement le tour des classes, qui explique les différentes formes de violence, qui discute avec les élèves, ça doit se faire partout », estime la présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire, Kathleen Legault, en entrevue.

Dans son jugement rendu mardi, la Cour confirme que plusieurs personnes savaient que le jeune enseignant entretenait une relation « de proximité » avec les fillettes et qu’il était « tactile » avec elles. La Presse avait d’ailleurs révélé cette proximité avec de jeunes filles dès le mois de juillet.

« Au fil du temps, il s’est rapproché de plus en plus des filles. Il assistait souvent à leurs activités parascolaires. Il leur donnait plus de permissions. Il faisait même des photos et des vidéos avec elles. C’était constant. Parfois, dans les équipes sportives, il faisait en sorte que des filles s’assoient sur lui pendant les pauses », avait raconté un élève ayant eu M. Blanchette comme professeur en sixième année.

« Il faisait constamment des câlins, il était très affectueux avec les jeunes, parfois trop. La ligne était mince souvent, disons », avait aussi témoigné un professeur d’une autre école ayant côtoyé l’accusé dans le cadre de son travail.

Un levier trop peu utilisé ?

Mme Legault, elle, estime que le rôle des pairs est un « levier qu’on n’utilise peut-être pas assez » dans ce genre de situation. « Il faut parler de ce qu’on fait quand on est témoin de ça, quand on aperçoit des gestes inadéquats. C’est un levier qu’on devrait utiliser davantage, pour que ces pairs, ces témoins se rangent du côté de la victime plutôt que celui de l’agresseur en n’agissant pas », dit-elle.

Selon la gestionnaire, « les adultes doivent être extrêmement vigilants et intervenir en cas de doute ». « On a des professionnels dans nos écoles, on peut appeler la DPJ quand on a des doutes, on peut rencontrer les familles. On peut agir sur plusieurs plans. Mais le plus important est vraiment d’outiller les jeunes pour qu’ils sachent quoi faire et où aller chercher de l’aide. »

Chaque fois que des dossiers comme celui-ci surviennent, ça nous rappelle à quel point notre responsabilité d’assurer la sécurité des jeunes est importante. Ça le rappelle à nous qui dirigeons les écoles, mais aussi aux enseignants qui reçoivent souvent les confidences d’enfants. Et ça montre à quel point on a besoin de professionnels compétents dans nos écoles.

Kathleen Legault, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire

Selon la présidente de la Fédération autonome de l’enseignement, Mélanie Hubert, « le milieu scolaire doit être un milieu sécuritaire tant pour les élèves, jeunes et adultes, que pour le personnel scolaire ». « Malheureusement, les meilleurs mécanismes de prévention, qui sont absolument nécessaires, pourront toujours être déjoués par des individus mal intentionnés, qui passeront au travers des mailles du filet. »

Il revient donc à « la société civile tout entière » de se mobiliser pour « dénoncer unanimement ce genre d’actes, mais surtout, de veiller à l’éducation des garçons et des filles, et ce, dès le plus jeune âge, afin que ce genre de comportements ne se reproduisent plus jamais », insiste encore Mme Hubert.

À l’Association des professeurs de Montréal, on affirme aussi prudemment que tous les enseignants ont « une responsabilité à l’endroit de celles et ceux qui fréquentent nos établissements scolaires ». « L’école doit être un environnement sécuritaire pour les élèves qui apprennent et les profs qui enseignent », a brièvement indiqué l’organisme par écrit, sans toutefois s’avancer davantage.

Les Camps Tim Hortons consternés

Par courriel, les Camps Tim Hortons se sont dits « consternés d’apprendre les détails des crimes horribles commis par Dominic Blanchette ». « Ce dernier n’était pas un employé des Camps de la Fondation Tim Hortons. Il a visité nos installations dans le cadre d’un programme scolaire permettant aux écoles et aux conseils scolaires d’utiliser nos camps, mais avec leurs propres enseignants et surveillants adultes chargés de la supervision des enfants », a précisé le Service des communications.

« Nous n’étions pas au courant des crimes commis par Dominic Blanchette avant qu’ils soient rendus publics au moment de son arrestation. Nous sommes profondément attristés de savoir qu’il a agressé autant de jeunes filles », a-t-on poursuivi.

Le cabinet du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, rappelle quant à lui que Dominic Blanchette ne détient plus de brevet d’enseignement. « Depuis 2006, tous les nouveaux enseignants sont sujets à une vérification obligatoire de leurs antécédents judiciaires avant d’obtenir l’autorisation d’enseigner. Les personnes titulaires d’un brevet d’enseignement ont l’obligation de déclarer tout changement à leurs antécédents. Tout manquement à cette obligation peut entraîner la suspension ou même la révocation du brevet », affirme l’attachée de presse Florence Plourde.

Joint par La Presse, le centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île (CSSPI) n’avait pas répondu à nos questions au moment de publier. Le Syndicat de l’enseignement de la Pointe-de-l’Île, qui comptait M. Blanchette parmi ses membres jusqu’à tout récemment, n’a quant à lui pas souhaité commenter le dossier, préférant laisser le processus judiciaire suivre son cours. Le centre de services scolaire de Montréal a quant à lui redirigé nos demandes vers le CSSPI.