(Montréal) C’est à coups de millions que Québec entend lutter contre les violences sexuelles dans les cégeps et les universités.

La ministre de L’Enseignement supérieur, Pascale Déry, a dévoilé lundi à Montréal les détails du nouveau plan quinquennal de 54 millions pour contrer les violences à caractère sexuel en enseignement supérieur.

« Nous avons décidé tous ensemble de ne tolérer aucune violence à caractère sexuel dans les établissements et [de] mettre en œuvre les mesures nécessaires pour prévenir et contrer les gestes qui y sont liés », a-t-elle déclaré lors de l’annonce qui se déroulait au Collège de Rosemont.

Plus du tiers sont victimes

Le plan tombe à pic : deux études distinctes indiquent que plus du tiers des membres des communautés collégiale et universitaire rapportent avoir subi au moins une forme de violence sexuelle depuis leur arrivée dans l’établissement.

« Malheureusement, lorsqu’on est chercheur dans le domaine, ce ne sont pas des statistiques qui nous surprennent quand on compare aussi à d’autres études dans le domaine, au Canada ou ailleurs aussi en Amérique du Nord », a expliqué Manon Bergeron, titulaire de la Chaire de recherche sur les violences sexuelles et sexistes à l’UQAM.

« Ce chiffre-là n’est pas surprenant, il est alarmant parce qu’il faut se rappeler que c’est en milieu d’enseignement supérieur et, donc, que les évènements ont été commis par une personne de la même institution, alors ça se fait vraiment à l’intérieur, soit dans le cadre des études ou du travail », a poursuivi Mme Bergeron.

Pointe de l’iceberg

Plus encore, elle fait valoir que « qu’un très petit pourcentage de ces situations sont signalées aux établissements-c’est entre 5 % et 7 % -et les étudiants et étudiantes du cégep sont encore moins nombreux et nombreuses à signaler, donc à communiquer les évènements subis à leur établissement. Les plaintes institutionnelles ne sont qu’une petite pointe de l’iceberg et ces données ont permis de déboulonner la fausse perception des’cas isolés’lorsque des témoignages ont été médiatisés au cours des dernières années. »

Par contre, les deux études qui servent de base aux chercheurs dans le domaine, L’enquête sexualité, sécurité et interactions en milieu universitaire (ESSIMU) et le Projet intercollégial d’étude sur le consentement, l’égalité et la sexualité (PIECES), datent respectivement de 2016 et 2019. Manon Bergeron s’est réjouie de voir que le plan d’action comprend un volet de recherche pour mettre ces données à jour. « Une enquête nationale va nous permettre justement de voir depuis toute la mise en place des différentes mesures du plan d’action numéro un, finalement de voir si, depuis l’enquête pièce qu’on a menée il y a quelques années, si avec tout le déploiement de nos efforts, on a réussi à réduire cette prévalence. »

Prise de conscience ?

La ministre Déry, pour sa part, se montrait optimiste quant à l’évolution de la culture et des mentalités. « Les mouvements de dénonciation de la violence sexuelle des dernières années ont mené à une prise de conscience collective et depuis, on sent un changement de culture qui s’opère sur nos campus collégiaux et universitaires. Des effets positifs ont déjà été notés, notamment une plus grande sensibilisation à cette problématique, un meilleur suivi, un meilleur soutien également aux victimes de violence sexuelle. »

L’enveloppe de 54 millions sur cinq ans représente une augmentation de 25 millions par rapport au budget précédent. La part du lion, soit 37,5 millions, ira directement aux établissements, notamment pour la mise en place de guichets uniques pour traiter les dossiers de cette nature et pour l’embauche de ressources spécialisées dans l’accompagnement de victimes de violences sexuelles.

Une ressource dédiée

La directrice générale du Collège Rosemont, Caroline Roy, a donné des exemples de l’usage des deniers publics consentis dans le cadre de ce plan d’action.

« Au Collège de Rosemont, une travailleuse sociale est dédiée au dossier des violences à caractère sexuel […] et elle a mis en place en 2017 la table intersectorielle contre les violences à caractère sexuel.

« Dès la rentrée, l’équipe psychosociale du collège informe les étudiants de l’existence de la politique et aussi de toutes les ressources qui sont à leur disposition, dont le bureau d’accueil et d’intervention pour pouvoir effectuer un signalement et une plainte », a-t-elle illustré.

Le reste des sommes ira notamment à des partenaires qui mettront à profit leur expertise dans le domaine au service des établissements, ainsi qu’à la recherche sur le phénomène des violences sexuelles en institution.

Enfin, une somme de 4 millions sera consacrée à l’aménagement sécuritaire de certains endroits à risque et identifiés comme tels dans les établissements.