Après 98 jours à la tête du ministère de l’Éducation, Bernard Drainville a présenté jeudi ses sept priorités pour améliorer la réussite éducative. Il a accordé une entrevue à La Presse pour en parler.

Q. Vous posez beaucoup de constats sur la maîtrise du français des élèves, mais vous n’arrivez pas avec des solutions. Quelles sont-elles ?

R. On travaille sur des solutions, mais on n’est pas prêts à les rendre publiques, parce qu’on veut prendre le temps de s’assurer que ce sont les bonnes. C’est un vaste chantier, la langue française au Québec. L’enjeu du français écrit remonte à avant la pandémie et exige des solutions qui doivent être bien réfléchies.

C’est sûr qu’assurer la maîtrise et l’apprentissage du français ne devrait pas se limiter aux cours ou aux enseignants de français. Je souhaiterais que ce soit l’affaire de toute l’équipe-école.

Souhaitez-vous plus d’heures d’enseignement du français ?

Je ne suis pas rendu là. Mais si un élève fait des fautes de français dans le cadre d’un exercice de son cours d’histoire, il me semble que l’enseignant devrait y porter attention. Ça ne devrait pas être limité aux seuls cours de français.

Vous voulez dire pénaliser ?

Pour moi, c’est inconcevable qu’on fasse un exercice dans une matière, qu’on fasse des fautes et que personne ne nous le dise. Est-ce qu’il doit nécessairement y avoir sanction ? On est rendu trop loin pour le moment. Mais à tout le moins, que l’élève sache que dans son travail, il y avait des fautes de français. Il faut le noter, si on veut qu’il se corrige par la suite.

La CAQ a promis en campagne électorale de réviser les programmes d’enseignement du français. Est-ce que vous maintenez cet engagement ?

On travaille là-dessus, je ne suis pas en mesure de faire une annonce, mais le gouvernement Legault a coutume de respecter ses engagements.

Il manque d’orthophonistes, de profs en adaptation scolaire. Quel est le plan pour les élèves en difficulté qui n’ont pas de service, sinon les laisser voguer d’année en année ?

Le plan, c’est de s’en occuper. C’est l’une des raisons, sinon la première, pour laquelle je propose des aides à la classe. Je veux que les aides à la classe permettent aux enseignantes et aux enseignants de s’occuper de l’ensemble de la classe, mais je veux aussi, par l’ajout de ce deuxième adulte, qu’on porte davantage attention aux besoins des élèves à besoins particuliers.

Qui sera cet adulte ?

J’ai donné l’exemple des éducatrices en service de garde, qui ont des horaires coupés. Elles pourraient, entre le matin et le midi, se rendre dans les classes et prêter main-forte aux enseignantes.

Vous pensez que ce sera suffisant pour les élèves en difficulté ?

Je ne sais pas si ce sera suffisant, mais ce sera certainement une aide très précieuse, qui va bénéficier à la fois aux enseignantes et aux élèves, surtout ceux à besoins particuliers. Si on avait une aide à la classe qui pouvait aider un élève en difficulté d’apprentissage à faire son exercice, je pense que ça l’aiderait et ça permettrait à l’enseignante de continuer à donner son cours pour le reste du groupe.

Dans tous les cas de figure, on se retrouve dans un contexte de classe qui est beaucoup plus apaisé, calme, et moins sujet aux soubresauts.

Allez-vous demander au réseau privé de prendre davantage d’élèves en difficulté ?

J’ai eu des discussions avec le réseau privé là-dessus, ça fait partie des travaux que nous menons. J’ai demandé aux établissements privés de quelle manière ils pourraient en faire davantage.

Quelle est la « voie rapide » qui mène au brevet d’enseignement que vous proposez ?

Ça va s’apparenter à ce qui existait auparavant, c’est-à-dire le certificat en pédagogie de 30 crédits. Est-ce que ce sera exactement ça ? Probablement pas, parce qu’on a fait du chemin depuis. Mais chose certaine, ça ne sera pas 60 crédits. C’est beaucoup trop long et beaucoup trop lourd.

Dans combien de temps prévoyez-vous l’implantation de ce programme ?

Le plus rapidement possible.

C’est-à-dire ? Ça presse, il y a pénurie.

Oui, ça presse. Le plus rapidement possible.

Vous entendez quoi par transparence dans le réseau scolaire ?

Je souhaite qu’on fonctionne en réseau, qu’il y ait une véritable communication entre le Ministère et les centres de services scolaires, et entre les centres de services scolaires et les écoles. Il faut que l’information et les données circulent et qu’on sache ce qui se passe.

Mon intention, c’est d’avoir un tableau de bord avec un certain nombre d’indicateurs par centres de services scolaires, pour qu’on sache là où il y a le plus de difficultés, dans tel secteur, à tel niveau, pour tel cours. Il y a beaucoup de travail à faire. On part de très, très loin dans le réseau scolaire en matière d’informatique et d’accès aux données.

En période de pénurie, gardez-vous le cap sur l’ouverture de maternelles 4 ans ?

On garde le cap sur la cible de 2600 classes de maternelles 4 ans pour s’assurer que le service soit universel. Actuellement, on en a autour de 1600, il y a eu une belle croissance au cours des dernières années.

Même s’il manque de profs et d’espace ?

On maintient le cap. Ça reste important, on sait qu’il faut agir tôt, que c’est bon pour le développement de l’enfant et qu’à terme, c’est bon pour notre diplomation scolaire et notre persévérance.

L’entrevue a été remaniée à des fins de clarté et de concision.