Après s’être emmuré dans un silence quasi complet depuis sa nomination, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, dévoilera finalement cette semaine les priorités de son mandat, avec à la clé des mesures en préparation « pour améliorer la réussite éducative », notamment en français. Sa sortie, très attendue dans le milieu scolaire, se fera à l’occasion de la réunion du caucus caquiste pour préparer la rentrée parlementaire.

Lundi, le ministre s’est dit « préoccupé par [les] résultats à la baisse » à l’examen de français écrit chez les élèves de 5e secondaire. Il réagissait à un reportage de La Presse sur l’augmentation du taux d’échec à cette épreuve ministérielle unique entre 2019 et 2022. Les résultats ont chuté dans tous les centres de services scolaires au Québec, sauf six. Près de la moitié des jeunes ont échoué dans certains cas.

« Je suis conscient des effets de la pandémie sur la réussite des jeunes et nous travaillons sur cet enjeu spécifique qu’est la réussite du français à l’école », a commenté Bernard Drainville sur les réseaux sociaux. Il a décliné une demande d’entrevue – comme toutes celles formulées par La Presse depuis son entrée en poste à la mi-octobre.

En entrevue à la radio de Radio-Canada, Jean-François Roberge, à la tête de l’Éducation entre 2018 et 2022, a attribué la baisse de ces résultats au fait que les écoles ont été fermées pendant plusieurs semaines durant la pandémie.

« Je pense qu’on a fait le maximum pour mitiger les risques, mais ce n’est malheureusement pas très surprenant qu’il y ait eu des impacts sur les apprentissages », a soutenu M. Roberge, tout en se disant « inquiet ». « Maintenant, ce qu’il faut faire, c’est continuer et faire le grand rattrapage. »

Coup de poker

Au cours des derniers mois, le ministre Drainville s’est contenté de rares et brèves mêlées de presse, entre autres pour garantir que le bulletin chiffré était là pour de bon. Un couac : il a dû s’excuser auprès d’un directeur général de centre de services scolaire à qui il avait reproché l’« inexpérience » pour sa décision de fermer des classes de maternelle 4 ans.

On se souvient de son passage remarqué à Tout le monde en parle, où il a marché sur les plates-bandes de sa collègue des Transports, Geneviève Guilbault, en commentant allègrement le dossier du troisième lien.

Le milieu scolaire est en attente de ses orientations. Certes, le ministre a multiplié les rencontres avec les acteurs du réseau et les visites dans des écoles, mais il n’a jamais ouvert son jeu.

Bernard Drainville abattra finalement ses cartes cette semaine, à l’occasion de la réunion du caucus des députés caquistes pour préparer la session parlementaire qui débutera le 31 janvier. Il dévoilera ses priorités en conférence de presse jeudi, au premier jour de cette rencontre à Laval, selon ce qui est prévu au gouvernement.

Le pari de l’éducation

En campagne électorale, la Coalition avenir Québec (CAQ) a promis de « mettre l’accent sur l’enseignement du français aux jeunes en entreprenant une révision de l’ensemble des programmes d’enseignement du français ». Cette révision fait partie des mesures à l’étude au ministère de l’Éducation à la demande de M. Drainville.

Le parti de François Legault s’est également engagé à « favoriser le goût de la lecture chez les jeunes » en offrant 300 $ par année à chaque enseignant du préscolaire et du primaire pour l’achat de livres. Cette mesure, qui coûterait environ 10 millions de dollars par année, devrait être annoncée dans le budget Girard attendu en mars.

Dans son discours d’ouverture de la session parlementaire l’automne dernier, François Legault a demandé à Bernard Drainville « d’augmenter de 30 000 le nombre de diplômés en formation professionnelle » par rapport aux prévisions durant le mandat, un engagement électoral chiffré à 348 millions de dollars.

« L’autre grand chantier en éducation, c’est rénover nos écoles », poursuivait-il. Il s’est engagé en campagne à ajouter 2 milliards aux 7 milliards de dollars d’investissements déjà prévus à cet effet.

Le premier ministre reconnaissait toutefois que le « principal défi » de M. Drainville serait « de trouver assez d’enseignants ». « On a besoin d’en former plus, il nous en manque. Et puis, évidemment, on ne peut pas régler ça du jour au lendemain. Ça prend quatre ans de formation à l’université pour devenir enseignant. Donc, on a du travail à faire. Il va falloir être créatifs pour y arriver rapidement. C’est la même chose avec des professionnels », disait-il. Cet enjeu se retrouvera forcément dans la feuille de route du ministre.

Parmi les autres mesures attendues, il y a la création d’une plateforme virtuelle pour offrir davantage de services professionnels aux élèves en difficulté d’apprentissage. Les retraités du réseau et les professionnels qui travaillent à temps partiel seraient appelés à contribuer à cette initiative.

La CAQ a également l’intention de remplacer les différents portails numériques des écoles et d’implanter partout, au public comme au privé, « Clic-École ». Ce portail regrouperait toutes les informations sur le parcours scolaire de l’enfant et serait pour les parents un outil de communication avec l’école (pour signaler une absence ou faire le paiement de frais).

Réactions

« C’est quand même l’illustration que le destin du français, l’avenir de notre langue commune, ce n’est pas juste un débat sur l’immigration. François Legault semble croire que le seul défi du français, c’est l’immigration […]. Il faut se mettre les yeux devant les trous : la pandémie a fait des dommages sur le plan de la motivation, sur le plan de la santé mentale des étudiants et des étudiantes. Il faut s’occuper de ces questions-là. » – Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois

« La CAQ doit faire de la qualité du français une priorité. Il faut mettre en place les mesures de rattrapage appropriées. Nous avons proposé de lancer un vaste chantier pour une meilleure maîtrise du français. » – Le député Pascal Bérubé, porte-parole du Parti québécois en matière d’éducation

Avec Fanny Lévesque, La Presse