Douze enfants de 13 ans de la communauté d’Akulivik ne peuvent pas aller à l’école depuis le mois de septembre, car aucun enseignant n’offre les cours de 7année à l’école de ce village de 700 habitants du Nunavik.

« On manque d’enseignants aussi dans d’autres secteurs, mais je dirais que c’est en 7année que la situation est la plus urgente […] Pour ces enfants, ce sera difficile de rattraper l’année. Le risque d’échec est grand », note le vice-principal de l’école Tukisiniarvik à Akulivik, Fabrice Van Houtte. Ce dernier explique que neuf postes sont vacants sur un total de 22 dans son établissement. « On fait beaucoup d’efforts à la commission scolaire Kativik pour recruter. Mais les besoins sont immenses », dit-il.

En plus de la 7année, qui ne peut offrir de classe ni en anglais ni en français, d’autres secteurs sont touchés par une pénurie d’enseignants à Akulivik. Les élèves de troisième, quatrième et cinquième secondaire n’ont pas d’enseignant pour les mathématiques, les sciences et les arts depuis septembre. En première et deuxième secondaire, il n’y a pas d’enseignant pour les cours d’anglais, d’univers social, de sciences, d’arts, d’inuktitut et de culture depuis la fin de novembre.

Dans une publication faite le 6 janvier sur sa page Facebook, l’école Tukisiniarvik indique que pour les élèves de première et deuxième secondaire en anglais, il n’y a « pas d’école jusqu’à nouvel avis ».

« Plusieurs parents nous appellent pour savoir quand leur enfant aura un enseignant », dit M. Van Houtte.

Médecin sur la côte de la baie d’Hudson, la Dre Marie-Faye Galarneau était présente la semaine dernière à Akulivik. Et elle a été troublée de constater que certains de ses jeunes patients n’étaient pas allés à l’école depuis septembre. « Des enfants pas scolarisés depuis six mois, je n’ai jamais vu ça. C’est très inquiétant. Ça représente une énorme tâche pour les parents », dit-elle.

Toute la région touchée

La pénurie d’enseignants touche tout le Québec. Mais au Nunavik, la situation est encore plus criante. En tout, 41 postes à temps plein et 31 postes à temps partiel sont actuellement vacants.

« On a de la difficulté à recruter au Sud. Mais au Nord, quand on ajoute les problèmes d’accès à l’eau, à l’internet et au logement, ça enlève le goût d’y aller », note le directeur du secteur des enseignants à l’Association des employés du Nord québécois (AENQ-CSQ), Daniel Charest. En attendant, le Nunavik doit se tourner vers l’embauche d’enseignants non qualifiés. Plus de la moitié des postes au Nunavik sont actuellement occupés par ce type de candidats, selon des données obtenues auprès de la commission scolaire Kativik par M. Charest.

Ce devrait être plus qu’une lumière jaune qui s’allume au gouvernement. On ne parle pas assez de cette situation. Il faut qu’il y ait un écho réel chez nos politiciens. C’est un problème majeur. Ça a un impact important sur la vie des jeunes et leur avenir.

Daniel Charest, directeur du secteur des enseignants à l’Association des employés du Nord québécois

La Loi sur l’instruction publique prévoit une « obligation de scolarisation » pour les jeunes de 16 ans et moins au Québec. « La responsabilité de s’assurer que les enfants remplissent leur obligation de fréquentation scolaire est partagée entre les parents des enfants d’une part et, d’autre part, la direction des établissements scolaires concernés et les centres de services scolaires respectifs, puisque ces derniers sont les premiers responsables de s’assurer de la fréquentation scolaire des élèves », explique le ministère de l’Éducation. Psychologue et professeur à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, Égide Royer estime que, « selon sa compréhension, l’État a l’obligation de fournir un service scolaire aux jeunes Québécois ».

Coupé du monde

Pour remplir son obligation de scolarisation, il arrive que le réseau de l’éducation finance le transport d’écoliers vers une autre ville si leur école locale ferme. Mais cette option serait plutôt difficile à réaliser à Akulivik, village impossible à rejoindre par la route et situé à 125 km du voisin le plus proche, Puvirnituq. Impossible aussi d’offrir des cours à distance à Akulivik : l’internet n’y est pas encore assez fiable.

La commission scolaire Kativik n’a pas répondu aux questions de La Presse. Au ministère de l’Éducation, on indique qu’un « comité sur le recrutement et la rétention du personnel est en place pour tenter de trouver des solutions ». Le porte-parole du Ministère, Bryan St-Louis, fait savoir que dans la dernière année, une entente de principe a aussi été conclue avec le syndicat représentant le personnel enseignant du Nunavik et prévoit notamment des mesures d’attraction et de rétention.