David Lacroix-Beaudoin avait bouclé sa valise et célébrait sa dernière soirée à Lac-Mégantic lorsque l'explosion a soufflé le centre-ville où il était avec ses amis Éric Pépin, Maxime Dubois et Mathieu Pelletier.

Son père, Jocelyn Beaudoin, avait quitté la fête vers 23h30 et devait le conduire à l'aéroport le lendemain matin pour le voir s'envoler vers la Suisse, où il vivait avec sa femme.

«En partant, je lui ai donné une poignée de main pour ne pas le gêner devant ses amis, mais j'aurais dû le serrer très fort dans mes bras», a affirmé son père, qu'il visitait pour la première fois depuis trois ans.

Les quatre jeunes hommes, âgés dans la vingtaine, ont tous connu une fin tragique lorsque le train a déraillé près du bar Musi-Café où ils étaient rassemblés. «Au fond, il est mort en bonne compagnie, entouré de tous ses chums.»

Du groupe, seul le corps de Maxime Dubois a été formellement identifié par les autorités.

Numéro 80

Le lendemain matin, le père de David s'est rendu dans sa chambre pour réveiller son fils. Il n'y avait que sa valise.

Jocelyn Beaudoin a mis une semaine avant de la défaire. Hier, il portait le t-shirt de son fils, rapporté de Finlande où ils avaient disputé un tournoi de hockey ensemble. «C'est mon plus beau souvenir avec lui», relate son père.

Au-dessus de l'ancien lit de David se trouve une pancarte: «Vitesse maximale 80». Ce sont ses amis qui l'ont dérobée sur une route pour lui en faire cadeau à l'occasion de ses 18 ans, pour rappeler le numéro qu'il portait au football.

Passion du sport

Comme bien des jeunes Québécois de leur âge, Maxime Dubois, Éric Pépin, David Lacroix-Beaudoin et Mathieu Pelletier ont grandi dans les arénas et les terrains de jeux. La passion du sport coulait dans leurs veines.

Au secondaire, les trois premiers ont défendu les couleurs de l'équipe de football des Béliers.

«Même si ça fait 10 ans que les ai coachés, j'ai gardé un lien spécial avec eux. C'était l'une de mes plus belles saisons. Ils étaient déjà amis avant, mais je pense que le sport a été le ciment qui a soudé les briques», a affirmé leur coach de l'époque, Yannick Thibault.

«C'était des athlètes et des gars extraordinaires. Cette année-là, Éric avait remporté le titre de meilleur athlète de l'année pour toute la polyvalente. David, qui a par la suite joué pour l'équipe de l'Estrie, a marqué le premier touché de l'histoire de l'équipe!»

«C'était une grosse gang de joyeux lurons, toujours les sept-huit mêmes gars ensemble», a raconté François Dionne, membre de la famille de Maxime Dubois.

Mathieu Pelletier, qui est originaire du Bas-du-Fleuve, a été recruté en 2005 pour jouer dans l'équipe senior de hockey Turmel de Lac-Mégantic. C'est à ce moment qu'il s'est lié d'amitié avec les trois autres jeunes hommes. Récemment, il a fondé l'école de hockey de Mégantic, que l'on songe aujourd'hui à rebaptiser à son nom, pour lui rendre hommage. Mathieu Pelletier était enseignant à l'école secondaire de Lac-Mégantic et papa d'un petit garçon de 3 ans.

L'interminable attente

L'amoureuse de David était sur les rives du lac Léman, en Suisse, lorsque son téléphone a sonné et que sa mère lui a appris la terrible nouvelle. Ses amis l'ont tout de suite mise dans un avion et elle est arrivée le lendemain du drame.

«Je suis allée une seule fois au centre-ville de Mégantic, mais je ne suis pas capable de l'associer à David. David, ce n'est pas ce gros trou noir. Je le garde avec moi dans mon coeur», a confié Élise Dubois-Couture.

La jeune femme décrit son mari comme un homme charismatique, aimé de tous et très sportif. Ce dernier a d'ailleurs complété des marathons en plus de se passionner pour l'escalade et le triathlon. Le couple, qui était ensemble depuis sept ans, a voyagé aux quatre coins de la planète, de l'Égypte au Sri Lanka en passant par l'Europe. «Chaque souvenir que j'ai de lui est beau. C'était mon rayon de soleil», dit Élise.

La mère de David, Sylvie Lacroix, vit dans le village voisin. Elle avait soupé avec son fils quelques heures avant la tragédie.

«Avant de partir, il m'a dit: »

''Maman, attends à demain pour pleurer. Ce soir, je m'en vais fêter avec mes amis. On va déjeuner ensemble demain matin».'' Le lendemain, je l'ai attendu, mais il n'est jamais venu», dit tristement sa mère.

«Ils n'ont pas encore retrouvé son corps dans les décombres. Le plus dur, c'est que j'attends encore.»