Si Luka Rocco Magnotta avait aussi peur qu'il le prétend de Lin Jun, qu'il aurait pris pour un agent du gouvernement, comment se fait-il qu'il se soit promené avec sa casquette, après l'avoir tué et démembré?

C'est l'une des nombreuses questions que Me Louis Bouthillier a adressées en contre-interrogatoire, hier, à la Dre Marie-Frédérique Allard. La psychiatre retenue par la défense pour analyser la responsabilité criminelle de Magnotta n'avait pas de réponse précise à offrir. «Il se changeait souvent», a-t-elle dit.

«N'est-ce pas plutôt parce que Magnotta considérait la casquette comme un trophée?», s'est exclamé Me Bouthillier.

La Dre Allard n'a pu se prononcer.

La psychiatre, qui a rédigé un rapport de 127 pages sur Magnotta, conclut que l'accusé n'était pas responsable de ses actes quand il a tué Lin Jun parce qu'il était en pleine psychose. Celle-ci était induite par la schizophrénie dont il souffre depuis la fin de l'adolescence.

Lacunes

Le procureur du ministère public s'est employé à mettre en relief les lacunes du rapport. Et il a détricoté la version que l'accusé a donnée à la psychiatre. 

Pourquoi la Dre Allard ne lui a-t-elle pas demandé ceci ou cela? Est-ce que Lin Jun était conscient quand il a été tué? A-t-il crié? Pourquoi Magnotta avait-il une scie oscillante dans son appartement?

De la suite dans les idées

Pour un malade en pleine psychose, Magnotta avait beaucoup de suite dans les idées, laissaient entendre les questions de Me Bouthillier. Au point que, pour se débarrasser du tronc, il est allé acheter une valise neuve. 

Il a ensuite troué la valise et l'a barbouillée de peinture pour éviter qu'un passant ne la ramasse dans la rue, a suggéré Me Bouthilier. Magnotta a acheté la peinture la journée même, chez DeSerres. Et il a verrouillé la valise avec un cadenas avant de la mettre aux ordures, dans la rue. Avec les sacs contenant les membres et le contenu de son appartement.

La psychiatre a fait valoir que Magnotta n'était quand même pas allé porter le cadavre «10 rues plus loin». Elle a souligné qu'il avait laissé beaucoup de preuves derrière lui.

«Mensonge pathologique»

Le procureur a suggéré que Magnotta n'a aucune difficulté à mentir. Il a même parlé de «mensonge pathologique».

«Il a menti à un psychiatre pour ne pas être hospitalisé, il pourrait bien mentir pour ne pas aller en prison», a lancé Me Bouthillier.

La schizophrénie n'égale pas mensonges, a dit la Dr Allard. Par ailleurs, elle n'est pas étonnée que Magnotta n'ait pas tout dit, car il était très difficile pour lui de parler des événements. Il est possible qu'il ait oublié certains points. Elle a aussi expliqué qu'une personne schizophrène peut être organisée.

Le contre-interrogatoire de la psychiatre se poursuit aujourd'hui.

Chefs d'accusation

Rappelons que M. Magnotta, 32 ans, est accusé du meurtre prémédité de Lin Jun, survenu le 25 mai 2012, d'outrage à son cadavre, de production et diffusion de matériel obscène, d'utilisation de la poste pour envoyer ce matériel et, enfin, de harcèlement du premier ministre Stephen Harper et de membres de son gouvernement.

Luka Rocco Magnotta avoue avoir commis les actes qu'on lui reproche, mais présente une défense de troubles mentaux, ce qui pourrait lui valoir un verdict de non-responsabilité criminelle.