Cent jours après la mort du parrain Vito Rizzuto - et après une guerre intestine de plus de cinq ans qui a fait des dizaines de morts et de blessés -, les nouveaux patrons de la mafia de Montréal veulent retourner dans l'ombre et ont même lancé un mot d'ordre visant à enterrer les vieilles rancunes, selon ce que plusieurs sources ont confié à La Presse.

Selon nos informations, depuis le 23 décembre dernier, jour de la mort de Vito Rizzuto des suites d'une pneumonie vraisemblablement causée par un cancer des poumons, personne ne porte le titre de parrain de la mafia.

En revanche, on nous identifie l'ancien numéro 2 du clan des Siciliens, Rocco Sollecito, condamné à la suite de l'opération Colisée en 2006 et libéré depuis, comme un arbitre qui conseille une nouvelle «table de direction». Celle-ci serait composée de membres de la troisième génération des familles qui dirigent la mafia depuis plus de 30 ans, d'alliés fidèles de la famille Rizzuto, d'étoiles montantes, de bailleurs de fonds et de chefs de clan, y compris l'ancienne cellule de Giuseppe De Vito, mort empoisonné au cyanure au pénitencier de Donnacona l'été dernier.

De Vito, alias Ponytail, était devenu un ennemi juré des Siciliens et avait formé une alliance avec le caïd Raynald Desjardins. La présence d'un représentant de son ancien clan à cette table de direction démontre les intentions des mafieux d'enterrer la hache de guerre. Des sources nous ont également indiqué que des acteurs importants du crime organisé ont été rencontrés par des chefs pour que les vieilles disputes des 10 dernières années soient mises au rancart.

D'ailleurs, le meurtre du prêteur Roger Valiquette, tué à Montréal quelques jours avant la mort de Vito Rizzuto, serait le dernier homicide commis dans la métropole qui pourrait être lié à des affaires impliquant des mafieux de haut niveau, selon nos informations.

Pacte de non-agression

Parallèlement, la nouvelle direction de la mafia maintient les ententes qui existent déjà avec les autres groupes criminels, dont les Hells Angels.

«Depuis la mort de Vito Rizzuto, plusieurs pensaient qu'il y aurait une recrudescence de la violence pour la prise du marché, mais pour l'instant, selon les informations que nous possédons, il n'y aura pas de violence à court ou moyen terme, car les gens se sont entendus. Il y a un marché actuellement qui satisfait chacune de ces organisations. Tout le monde se complaît dans son carré de sable», nous a dit récemment un policier très au fait de la situation du crime organisé au Québec.

Ces informations démontrent donc l'intention des nouveaux patrons de la mafia de retourner dans l'ombre, eux qui sont sous les projecteurs de la police et des médias depuis plusieurs années, en raison de la vague d'événements violents survenus depuis 2009 et des travaux de la commission Charbonneau.

D'ailleurs, les membres du nouveau comité de direction sont beaucoup moins observés dans les restaurants et établissements licenciés de Montréal depuis la mort du parrain, ce qui n'était pas le cas en 2013.

À la suite de sa libération, Vito Rizzuto et sa nouvelle garde rapprochée étaient en effet vus régulièrement dans des endroits publics de la métropole, et avaient même été captés par un photographe de La Presse à la sortie d'un restaurant au cours de l'été dernier.

Enfin, nos sources nous ont également révélé que Vito Rizzuto a eu des problèmes de santé alors qu'il était emprisonné au Colorado et qu'il aurait bien préparé sa succession compte tenu de sa condition.

Photo: François Roy, archives La Presse

Rocco Sollecito lors de son arrestation, survenue en novembre 2006.