Louis Buteau

Grade: adjudant-maître

Fonction: sergent-major de compagnie de commandement, 3e Bataillon du Royal 22e Régiment

Son expérience en Afghanistan. Il a été déployé entre décembre 2010 et juin 2011. À Kandahar, il a été mentor du sergent-major régimentaire (CSM), du Commandant de peloton de transport et du commandant du peloton de quartier général et de la compagnie de quartier général (HHC) du Bataillon de Service de soutien au combat (CSS Kandak 5).

L'adjudant-maître Buteau a passé sa vie avec les Forces armées. Fils de militaire, il a grandi en Allemagne. Son père a «ouvert» le camp de Chypre, en 1964. Lui l'a presque «fermé», trois décennies plus tard. Il a gravi un à un tous les échelons depuis 29 ans, a été déployé en Bosnie, en Haïti. Mais quand il part en 2010 à Kandahar, il participe pour la première fois à une mission de combat. «C'est la première, et la seule, j'espère.»

En Afghanistan, il travaille avec l'armée afghane, dans un rôle de mentorat. Ce contact avec les Afghans et la découverte de la culture afghane l'ont bouleversé.

«Ils m'ont donné des valeurs, comme la simplicité de vie. J'ai trois ou quatre télés chez moi. Eux, ils n'en ont pas, illustre-t-il. Le Canada, on a 300, 400 ans d'histoire, on pense qu'on a tout vu. Eux, ça fait 2000 ans qu'ils sont là. De leur dire qu'ils vivent mal, je n'aime pas ça.»

C'est une mosquée qui a scellé la rencontre de Louis Buteau avec les Afghans. Et plus précisément un coup de vent qui, au printemps, emporte la toile qui constitue le temple de l'armée afghane, sur la base de Kandahar. «Pour eux, c'était pire que de perdre tout leur monde au combat. C'était la chose la plus triste qui pouvait arriver», se souvient-il.

Les soldats afghans se tournent alors vers leur mentor: ne peut-il pas aider sa reconstruction? Ce n'est pas sa mission, mais Louis Buteau essaie, et remue ciel et terre. Il trouve un entrepreneur local si enthousiaste qu'il ne fait payer que le prix des matériaux. «C'est tout ce que les soldats ont demandé, et ils l'ont eu», dit-il. L'inauguration est un jour de bonheur.

Louis Buteau pense alors à ce qu'il a fait pour, pensait-il, aider l'armée afghane: installer des toilettes, des postes de garde ombragés, et même une salle de détente dotée d'une télévision. «C'est là que je me suis dit qu'avant de m'occuper de leur qualité de vie, j'aurais dû leur demander quels étaient leurs besoins», dit-il.

C'est seulement une fois la mosquée reconstruite qu'on lui a dit que le téléviseur trônant dans la salle de détente était vu par un soldat afghan comme une ultime provocation. Comment pouvaient-ils avoir un téléviseur quand leur bien le plus précieux, la mosquée, n'était qu'une tente soumise aux quatre vents?

«On pense bien faire, mais on n'attaque pas le problème», conclut, avec humilité, Louis Buteau.

Auprès des soldats, il constate aussi que la guerre ne change pas la culture et les valeurs de ce peuple. «Les Afghans, ils vivaient en 1978, ils vivaient en 1980, et ils continuent à vivre en 2011», résume-t-il.

L'adjudant-maître a rapporté bien des questions de l'Afghanistan. Et peu de réponses.

«Que le Canada ait participé à la mission de combat, ça ne me regarde pas; j'y vais. Mais comme militaire, est-ce que je suis allé là pour sauver la planète? Certainement pas.»

«Est-ce que ça a bien fait qu'on y aille ou pas? Je ne vous réponds pas. Mais pour le peuple afghan, que le Canada ou les États-Unis soient là, ça ne va pas changer grand-chose», estime-t-il.

«Pourquoi on est allés là? On n'est pas allés là pour changer les écoles. C'est vrai qu'on l'a faite, la reconstruction. Mais est-ce qu'on est allés là pour ouvrir des écoles? Je ne pense pas. Pour combattre le terrorisme mondial? Ça aurait plus d'impact en Somalie. Est-ce que les filles vont à l'école en Somalie? Je ne pense pas.»