Une autre année lourde en pertes humaines s'achève pour les Forces canadiennes déployées en Afghanistan. En 2008, 32 soldats canadiens y ont laissé leur vie, ce qui porte le bilan à 106 morts depuis le début de la mission. Plusieurs éléments laissent croire que 2009 sera aussi une année périlleuse. Si cela ne remplace en rien un être cher, les proches d'un soldat tué en mission peuvent compter sur de l'aide financière. En tout, plus de 35 millions ont été versés aux familles depuis 2002, selon des documents obtenus grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

Plusieurs signes avant-coureurs laissent croire que l'année 2009 sera à nouveau très difficile pour les troupes canadiennes déployées en Afghanistan. Mais cette année pourrait aussi réserver des surprises sur le plan diplomatique. Car, avec l'arrivée de Barack Obama à la présidence américaine, le Canada pourrait être invité à prolonger sa mission au-delà de 2011.

 

Le jeudi 13 mars 2008, le gouvernement Harper, appuyé par les libéraux de Stéphane Dion, adoptait une motion prévoyant le prolongement de la mission canadienne en Afghanistan jusqu'à la fin de 2011. Avec celle-ci, les Canadiens croyaient bien avoir réglé la question afghane une fois pour toutes. Tous les ténors conservateurs disent à qui veut l'entendre que la mission se terminera bel et bien à ce moment-là.

Mais Barack Obama, nouveau président américain qui entrera en fonction le 20 janvier prochain, pourrait brouiller les cartes de cet épineux dossier. C'est en tout cas l'hypothèse qu'émet Jocelyn Coulon, directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix, affilié au CÉRIUM.

«Au Canada, comme ailleurs dans le monde, on aime bien Barack Obama, dit-il. Or, le nouveau président veut augmenter le contingent américain en Afghanistan. Et il veut que les autres pays occidentaux fassent de même. S'il vient au Canada ou si notre premier ministre va le rencontrer à Washington, que lui dira-t-on s'il nous demande de prolonger notre séjour?»

Par tradition et bon voisinage, un des premiers contacts officiels qu'a un nouveau président américain a lieu avec son homologue canadien. On sait que MM. Obama et Harper ont eu un premier contact téléphonique à la suite de l'élection présidentielle américaine du 4 novembre dernier. Les deux leaders devraient prendre rapidement contact de nouveau à la suite de l'assermentation de M. Obama.

Ce dernier cautionnera vraisemblablement la récente décision du président Bush d'augmenter de 30 000 le nombre de soldats américains déployés en Afghanistan. Une décision qui risque de se traduire par une recrudescence de violence dans le pays, croit l'historien Jack Granatstein, un des plus éminents spécialistes de l'armée canadienne.

«Les talibans vont vouloir en découdre avec les Américains», prévoit ce dernier. Pour lui, il est clair que cela peut signifier plus de combats. Les soldats américains sont en majorité déployés dans l'est du pays, le long de la frontière avec le Pakistan. Les Canadiens sont au sud-est, dans la province de Kandahar considérée comme une véritable poudrière.

Élections = violence

2009 sera également une année d'élections présidentielles en Afghanistan. «Est-ce que cela va susciter une augmentation des confrontations politiques et militaires? C'est possible», indique Jocelyn Coulon.

Dans une récente entrevue au quotidien Le Devoir, le chef d'état-major des Forces canadiennes, Walter Natynczyk, laissait planer la possibilité que le déploiement des soldats de Valcartier, qui s'amorcera en mars prochain, dépasse la période normale de rotation qui est de six mois. Pourquoi? Parce que leur retrait surviendrait à peu près au même moment que l'élection. Une rotation des troupes n'est pas la plus souhaitable au moment d'une période aussi instable.

Cela dit, Jocelyn Coulon croit que le Canada détient plus d'une carte dans son jeu. Il a l'option de prolonger sa présence au-delà de 2011, en réduisant la taille de son contingent, en laissant tomber le volet «combat» pour des tâches moins périlleuses (formation, développement) ou en déménageant les troupes dans une région plus sûre. Il lui faudra pour cela convaincre d'autres partenaires internationaux de prendre sa place dans le Sud.

Jack Granatstein est quant à lui convaincu que la mission canadienne s'achève. La relative petite taille de l'armée imposera une pause, affirme ce dernier qui est un pourtant un farouche défenseur de la présence canadienne dans ce pays. «En 2010, certains soldats en seront à leur cinquième rotation de six mois. Je ne vois pas comment on peut faire plus.»