La chef péquiste Pauline Marois accuse le premier ministre Jean Charest d'avoir «bricolé ce qui s'apparente à une véritable arnaque, une patente». Si elle est portée au pouvoir, elle promet de déclencher «une véritable commission d'enquête» sur l'industrie de la construction dans les 100 premiers jours de son mandat.

Pour l'heure, la chef du PQ déposera à l'Assemblée nationale une motion de censure pour défaire le gouvernement. «Et si nous échouons, nous en déposerons une autre», a-t-elle affirmé en conférence de presse, mercredi.

Le gouvernement Charest devra être sur ses gardes. Car depuis le départ de Nathalie Normandeau, la majorité du PLQ est très mince avec 64 députés - 63 si l'on exclut le président de l'Assemblée nationale, Jacques Chagnon, ce qui est le minimum pour avoir la majorité absolue.

Preuve que la position du PLQ est précaire: à la fin septembre, Mme Marois s'était engagée auprès de M. Charest à ne pas déposer de motion de censure durant sa mission en France et en Espagne.

Selon la chef péquiste, «Jean Charest se montre indigne de la fonction de premier ministre». «Il essaie de faire croire aux Québécois qu'il crée une commission d'enquête» alors que ce n'est pas le cas. «Une vraie commission d'enquête» peut contraindre quiconque à témoigner, a-t-elle fait valoir. «Sous le prétexte fallacieux de protéger la preuve et les enquêtes policières, le gouvernement se défile de ses responsabilités».

Certes, la commission a un mandat «très large». Et il n'y a «aucune doute quant à la compétence» de la juge France Charbonneau. Mais elle ne pourra aller au fond des choses faute de pouvoir forcer quiconque à témoigner, a expliqué Mme Marois. «Qui publiquement ou privément va venir s'incriminer? Voyons donc! Personne. Ça va donner un Duchesneau plus?» Elle assimile cette commission à un «colloque».

Le PQ ne demandera pas le statut de participant à cette commission comme il l'avait fait, en vain, dans le cas de la commission Bastarache sur la nomination des juges. Mme Marois ira témoigner si la commissaire l'invite à le faire.

Elle a souligné que le premier ministre «peut imaginer qu'il puisse aller en élection d'ici à ce que la commission se termine», en octobre 2013. Le mandat du gouvernement prend fin au plus tard en décembre de cette même année. La chef péquiste estime que «la seule personne qui bénéficie de l'immunité avec ce simulacre, c'est Jean Charest lui-même». Un éventuel gouvernement péquiste modifierait le décret adopté par les libéraux pour constituer sa propre commission d'enquête.

Autres réactions

Par voie de communiqué, le cofondateur de la Coalition pour l'avenir du Québec, François Legault, a indiqué que les pouvoirs de la commission d'enquête sont trop limités. Selon son porte-parole Jean-François Del Torchio, si M. Legault est porté au pouvoir - la transformation de la CAQ en parti politique ne fait plus vraiment de doute -, il modifierait les paramètres de la commission Charbonneau pour en faire une enquête publique, avec le pouvoir de contraindre à témoigner.

Pour la députée adéquiste Sylvie Roy, le décret adopté par les libéraux, «n'est pas légal à première vue». Le gouvernement devait respecter la loi sur les commissions d'enquête et non la contourner. « On ne peut enlever le pouvoir de contraindre des témoins» à une commission d'enquête, a-t-elle expliqué.

Pour la présidente de Québec solidaire, Françoise David, la commission a des «pouvoirs anémiques» et ressemble à un «vox-pop» où s'exprimeront seulement ceux qui le veulent. La possibilité de refuser de témoigner, «c'est un ticket pour tous ceux qui veulent échapper au jugement, pour se défiler de la commission», a renchéri le député Amir Khadir.

La Fédération québécoise des municipalités «prend acte» de la décision de M. Charest, tout en rappelant qu'elle a «toujours privilégié» une commission d'enquête publique. La CSN déplore aussi que la commission ne soit pas publique. L'Union des municipalités du Québec est quant à elle «satisfaite». Le Conseil du patronat et l'Association de la construction «saluent» l'annonce. Le président de l'Association des policiers et policières provinciaux du Québec, Pierre Veilleux, s'est dit content que le gouvernement «ait choisi de protéger la preuve».

- Avec Paul Journet et Denis Lessard