Le président de la Fédération québécoise des municipalités (FQM), Bernard Généreux, interpellera aujourd'hui le premier ministre à l'allocution d'ouverture de son congrès annuel pour l'implorer de déclencher une commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction.

«Ce que je vais lui dire aura le mérite d'être clair [...] Avec le témoignage de M. Duchesneau, on a atteint un point de non-retour. Il faut une enquête», lance M. Généreux. M. Charest prendra la parole immédiatement après lui devant quelque 3000 participants du congrès de la FQM.

L'Union des municipalités du Québec (UMQ) laisse entendre que si le gouvernement libéral ne déclenche pas de commission, elle pourrait appeler ses membres à le sanctionner aux prochaines élections. «Si le gouvernement n'a pas fait le ménage aux prochaines élections, il va falloir que l'UMQ prenne position», indique son président Éric Forest, candidat libéral dans Rimouski en 2003.

«On va voir comment ça va évoluer et après cela, on prendra une décision», a-t-il précisé.

L'UMQ regroupe plus de 275 municipalités, dont les maires peuvent être de précieux alliés lors des campagnes électorales, particulièrement en région.

Selon M. Forest, le chef de l'Unité anticollusion, Jacques Duchesneau, a offert une «opportunité élégante» au gouvernement Charest pour «demander une commission d'enquête publique sans perdre la face». M. Duchesneau propose une commission d'enquête en deux étapes: d'abord à huis clos, puis devant le public.

Baiser de la mort

M. Duchesneau a particulièrement écorché le monde municipal mardi. C'est dans cet ordre de gouvernement, et non au provincial, qu'il a découvert une culture d'ingérence politique dans les contrats de construction. Le patron de l'UAC a aussi dénoncé les élections «clés en main» qu'une dizaine de firmes proposent à des municipalités. La firme se charge de toute l'organisation de la campagne, du financement à la publicité. Elle demande ensuite d'être récompensée avec des contrats.

Le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, promet de «regarder correctement» le rapport Duchesneau. Mais il ne semble pas penser que le rapport contient des preuves. Il demande plus. «S'il y a des faits avérés qui disent qu'il y a un stratagème, je veux les connaître, et après cela, on adoptera nos lois en conséquence», a-t-il réagi. Une commission d'enquête publique aiderait-elle à dévoiler ce stratagème? «L'Unité permanente anticorruption a cette mission de révéler de façon publique quels sont les patterns», a-t-il répondu.

De leur côté, les regroupements de municipalités ne contredisent pas le témoignage de M. Duchesneau. L'UMQ se dit inquiète. « (Les contrats clés en main), ce n'est évidemment pas quelque chose qu'on privilégie», indique M. Forest. Il précise toutefois ne pas avoir pris connaissance de telles situations.

La FQM est plus incisive. «Si tu donnes un contrat pour vendre tes élections, tu vends ton âme. Contrat et élections, c'est antinomique. C'est comme un baiser de la mort pour la démocratie», dénonce-t-il. «Un climat de méfiance et de suspicion pourrit la politique municipale», regrette-t-il.

«On est rendu à un seuil critique, ajoute M. Forest. S'il y avait des élections municipales demain, qui voudrait se présenter?»

En plus de la commission d'enquête publique, le président de l'UMQ propose quelques autres solutions au gouvernement. «Par exemple, quand un seul entrepreneur soumissionne pour un projet et charge trop cher, on devrait pouvoir refaire un nouvel appel d'offres à partir du même devis». Des MRC devraient aussi engager un ingénieur pour conseiller les petites municipalités qui n'ont pas les moyens de s'en payer un pour superviser leurs chantiers. Et enfin, il suggère de mettre sur pied un bureau municipal d'évaluation des prix pour conseiller les municipalités.