Les téléspectateurs de Tout le monde en parle auront, dimanche, l'occasion d'entendre Jacques Duchesneau expliquer les révélations percutantes de son rapport avant la Commission de l'administration publique (CAP) de l'Assemblée nationale, qui ne l'entendra que mardi.

Comme l'émission est enregistrée aujourd'hui, l'assistance en studio aura même un avant-goût de la rencontre en tête à tête que M. Duchesneau doit avoir demain avec le ministre des Transports, Pierre Moreau.

Président de la Commission de l'administration publique, le péquiste Sylvain Simard n'a eu qu'un haussement d'épaules: «Il est devenu une rock star! Mais je ne pense pas que l'exercice de mardi prochain [devant les députés] ressemble à une émission de variétés.»

De son côté, le ministre Moreau a soutenu qu'il ne voulait pas dicter sa conduite à l'ancien policier. À l'Unité permanente anticorruption, on s'est contenté de souligner que le mandat de M. Duchesneau lui avait été confié par le ministère des Transports.

Plus tôt, le ministre Moreau avait révélé qu'il avait convoqué M. Duchesneau pour demain. «Pauvre gars, il est dans un tourbillon. On va examiner quelles sont les suites que nous avons déjà amorcées à la suite des recommandations qu'il a estimées urgentes. Je veux m'assurer avec lui que nous sommes sur la bonne voie», a expliqué le ministre.

M. Simard estime quant à lui que cet entretien préalable ne laisse présager rien de bon puisqu'on risque d'y réduire la marge de manoeuvre de l'ancien policier.

«Je ne fais pas confiance au ministre», a lancé M. Simard. Quand il était sur les banquettes arrière, a-t-il relevé, M. Moreau a «jeté tous les nuages, tous les écrans de fumée possible pour cacher les difficultés du ministère des Transports» qui comparaissait devant la CAP.

«Deux ans plus tard, on n'en serait pas là si on n'avait pas eu droit à cette opération!» À son avis, pour maintenir des apparences de transparence, M. Duchesneau devrait aller voir le ministre après sa comparution devant la Commission.

L'adéquiste François Bonnardel estime pour sa part que la comparution de M. Duchesneau devant la Commission «est un début»: «Il sera intéressant de voir comment il est arrivé à ce constat grave pour le Québec.» Lui aussi souhaite qu'on «n'impose pas la loi du silence» à l'ancien policier, qui verra son patron auparavant. «Comme ministre, M. Moreau a le droit de le rencontrer», reconnaît toutefois M. Bonnardel.

«Ce n'est pas une enquête, un procès qu'on va faire là. On continue de demander une enquête sur le financement des partis politiques et sur la construction», insiste l'adéquiste de Shefford.

Motion battue

En fin de journée, hier, la majorité libérale a sans surprise battu à 60 voix contre 55 la huitième motion de l'opposition qui réclamait une commission d'enquête indépendante sur l'industrie de la construction.

La chef péquiste Pauline Marois avait de nouveau invité, en vain, les députés libéraux à «briser la loi du silence» et à voter pour l'enquête. Les élus libéraux devront, dit-elle, rendre des comptes à la population. «Comme leurs jumeaux fédéraux, libéraux aussi, dans le scandale des commandites, le même entêtement... On peut penser qu'ils vont subir le même sort, ils vont payer le prix politique de leur entêtement.»

À l'Assemblée nationale, le critique péquiste en matière de transports, Nicolas Girard, député de Gouin, a relevé que Transports Québec avait consenti à des «extras» importants dans des contrats réalisés par Simard Beaudry, la firme de Tony Accurso. Pour une station de pompage de 3,6 millions, on a accordé une rallonge de 1 million en 2009. Un contrat pour un pont de 4,1 millions a reçu une extension de 1,1 million, et un autre contrat de 8,8 millions pour un pont sur la route 344 a valu 1,7 million de plus que prévu à la firme Construction Garnier, firme de Joe Borsellino, bien connu dans les milieux libéraux, selon M. Girard.

Le ministre Moreau soutient toutefois que le député péquiste multiplie les inexactitudes dans ses attaques. Les dépassements de coûts de 5 millions qu'il a soulevés en Chambre mardi viennent non pas d'«extras», mais de «travaux additionnels» jugés nécessaires à l'échangeur des autoroutes 15 et 640, à Boisbriand.

Des 1528 contrats accordés par le Ministère en 2010-2011, d'une valeur totale de 1,9 milliard, seulement 74 ont connu des dépassements de coûts, de 3,2% en tout, a soutenu M. Moreau.

Le vérificateur interne de Transports Québec a eu le mandat de revoir chacun de ces 74 contrats: «Les Québécois veulent la vérité, pas les exagérations du député de Gouin», a déclaré M. Moreau.

À son cabinet, on n'a toutefois pu dire si les conclusions du vérificateur seraient rendues publiques.