Le travail de l'escouade Marteau mènera à des arrestations avant les Fêtes. Néanmoins, ceux qui s'attendent à une opération spectaculaire resteront sur leur faim.

La Sûreté du Québec a actuellement dans sa ligne de mire une poignée d'entrepreneurs, surtout dans la couronne nord de Montréal, tous plus ou moins connus du grand public.

Pas de gros noms toutefois - on ne verra pas défiler devant les caméras des leaders syndicaux ou des magnats de l'industrie de la construction dont les noms font les manchettes depuis des mois. Pas de «requins», mais tout au plus de six à dix «petits poissons rouges», des captures plutôt minuscules et plutôt proches de maires associés au Parti libéral.

Dans bien des cas, on a relevé des cadeaux inexplicables à des élus municipaux ou même à des fonctionnaires, des systèmes d'élections «clés en main», mécanique qui avait été bien identifiée par le Directeur général des élections il y a plus de 10 ans.

Pour ceux qui suivent depuis quelques mois les tribulations des élus municipaux dans des villes comme Terrebonne, Mascouche, Saint-Jérôme et Boisbriand, la rafle de Marteau aura un goût de déjà-vu. Notons qu'on n'a pas trouvé de ramifications politiques susceptibles de plonger dans l'embarras un membre du gouvernement.

Rien de spectaculaire

Les dossiers de Marteau représentent environ la moitié de ceux pour lesquels on pourra déposer des accusations avant la fin de l'année. «Les gens qui s'attendent à des choses spectaculaires vont être déçus», a dit un policier.

Dans les rangs policiers, on piaffait d'impatience parce que certains dossiers, en matière pénale, sont proches du délai de prescription de cinq ans. Le directeur des poursuites Louis Dionne a confirmé à La Presse cette semaine qu'il s'agit de dossiers de voies de fait simples touchant des gens de l'industrie de la construction.

À la Sûreté du Québec, on est estomaqué de voir que des gens qui semblent proches de l'ancien chef de la police de Montréal, Jacques Duchesneau, laissent entendre que les enquêteurs du ministère des Transports ont débusqué un système de collusion bien établi. Le Devoir a décrit cette semaine un réseau où un entrepreneur important de Montréal aurait la main haute sur l'ensemble du système de soumissions des contrats publics et distribuerait à tour de rôle l'accès aux appels d'offres entre les autres entreprises.

La police serait bien loin d'être arrivée à de telles conclusions. Les enquêteurs des Transports, qui travaillent de leur domicile, ont transmis à la police plus de renseignements que de dossiers ficelés, précisent des sources à la SQ. À Transports Québec, on indiquait la semaine dernière, dans les coulisses, que c'est six ou sept dossiers que l'équipe d'enquêteurs dirigée par Jacques Duchesneau avait transmis à l'escouade Marteau.

Échangeur Turcot

Du point de vue du ministère de Sam Hamad, on pressent que les acteurs dans le génie-conseil et la construction se positionnent déjà pour le projet de l'échangeur Turcot - un pactole de 3 milliards qui défoncera vraisemblablement les budgets.

Déjà on sait que les entrepreneurs et les concepteurs s'entendent facilement quand vient le temps de convaincre les responsables de chantiers du Ministère qu'il faut signer des ajouts, de coûteux «avenants» non prévus dans les contrats d'origine.

À la mi-septembre, les enquêteurs des Transports s'étaient rendus sur un chantier important en Montérégie. Dès le lendemain matin, un car de reportage se trouvait à la porte de Jean-Pierre Allaire, ancien agent officiel de la campagne de Jacques Duchesneau, pour faire enquête.

Du côté de la police, on tient à souligner qu'il s'agit de dossiers très complexes. La SQ a mis sept ans à épingler Maurice Boucher avec des preuves tangibles, de la drogue et des armes. Les dossiers de crimes économiques sont quant à eux bien plus difficiles à boucler.

La police a accueilli sourire en coin la mise en garde du directeur général des poursuites, Louis Dionne, qui a invité cette semaine les enquêteurs à cesser de lui mettre de la pression pour que les accusations soient déposées. Quand il était à la Sûreté du Québec, directeur de la lutte contre le crime organisé, le jeune Dionne n'hésitait pas à passer des coups de fil à la Couronne pour demander qu'elle presse le pas afin de déposer des accusations.