Chaque semaine, Nathalie Collard rencontre une personnalité qui s'est retrouvée au coeur de l'actualité et lui pose 10 questions. La 11e question provient du public. Cette semaine, notre journaliste s'est entretenue avec Martine Desjardins, présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ).

1 La première décision du nouveau gouvernement de Pauline Marois a été d'annuler la hausse des droits de scolarité. Êtes-vous étonnée que la décision se soit prise si rapidement?

Non, ce qui nous a surtout surpris, c'est le coup de téléphone que nous avons reçu le 5 septembre dernier pour nous dire que le nouveau gouvernement allait de l'avant avec son engagement à propos du gel. L'annonce faite jeudi par la première ministre Marois était hautement symbolique. Il s'agit d'un geste de rapprochement avec la jeunesse québécoise.

2 Quelle est la prochaine étape pour la FEUQ?

C'est le sommet sur l'enseignement supérieur. Nous voulons revoir les recherches que nous avons faites afin de préparer un argumentaire béton. Nous voulons également aller chercher des appuis extérieurs afin de faire des propositions consensuelles avec d'autres acteurs de la société. C'est donc beaucoup de préparation qui nous attend dans les prochaines semaines.

3 Quelles positions défendrez-vous en priorité?

Nous n'avons pas encore reçu les mémoires de toutes nos associations mais, bien sûr, nous continuerons à défendre le gel des droits de scolarité. Nous allons également défendre l'idée d'une meilleure gouvernance du réseau universitaire ainsi qu'une bonification de l'aide financière aux études. Nous aimerions aussi avoir des discussions autour de la notion d'économie du savoir, car il semble qu'elle ne soit pas claire dans l'esprit de tous. Nous aimerions enfin parler des liens entre la recherche et l'entreprise. Bref, nous aimerions revoir ce système, qui a été pensé il y a 40 ans.

4 Pourquoi les étudiants iraient-ils marcher samedi? N'avez-vous pas gagné votre combat?

C'est une bonne question. La FEUQ ne participe pas à cette marche. Nous n'irons pas dans la rue alors qu'il y a un geste d'ouverture de la part du gouvernement pour discuter. Et puis, en effet, nous avons gagné. Il y a gel des droits de scolarité. Nous allons donc nous concentrer sur notre argumentaire en vue du sommet.

5 Plusieurs commentateurs laissent entendre que vous êtes des bébés gâtés qui exigent le beurre et l'argent du beurre. Qu'en pensez-vous?

Je pense qu'ils ont tort. Il faut regarder au-delà des droits de scolarité. Nous voulons revoir l'ensemble de la gestion universitaire et nous avons des objectifs à long terme, pas seulement pour nous. Je trouve au contraire que nous sommes plutôt consciencieux comme génération. Nous ne voulons pas laisser des dettes aux générations suivantes. Nous sommes responsables et nous défendons nos convictions.

6 Que pensez-vous du choix de Pierre Duchesne comme ministre de l'Enseignement supérieur?

Nous avons été surpris. Nous avions une liste de candidats potentiels et il ne se trouvait pas dans nos perspectives. Cela dit, on le connaissait, car il est venu rencontrer nos associations durant la campagne électorale. En plus, il a donné un cours à l'université, alors il connaît quand même un peu le milieu. Donc, nous sommes satisfaits, mais on verra, il faudra avoir plus de discussions avec lui. Nous avons eu une rencontre téléphonique avec lui jeudi, soit moins de 24 heures après sa nomination. Disons que c'est un changement de ton radical avec l'ancien gouvernement.

7 Diriez-vous que vous êtes aussi solidaires avec les deux autres associations (FECQ et CLASSE) que vous l'avez été par le passé?

Avec la FECQ, nous avons plusieurs positions en commun et nous les défendons souvent côte à côte. Avec les autres, il y a des positions qui s'opposent, nous ne partageons pas toujours les mêmes idées. Cela fera des débats plus intéressants durant le sommet... La solidarité, on la teste surtout dans des moments difficiles. Maintenant que ça va mieux, chacun défend ses propres idéaux.

8 Le gel des droits de scolarité signifie que les universités recevront moins d'argent. N'est-ce pas les étudiants qui en souffriront les premiers?

Le PQ a déclaré qu'il allait assumer le financement pour la prochaine année. Et nous avons sérieusement remis en question le plan libéral, car nous avons remarqué un écart de 300 millions entre les sommes prévues pour les universités et les besoins réels. Les recteurs vont devoir faire un travail d'évaluation de leur budget. Ils vont aussi devoir démontrer le sous-financement des universités. Il y a des sommes qui dorment dans les budgets d'immobilisation alors qu'on déclare certains budgets de recherche déficitaires. C'est pour cela que nous avons demandé l'élargissement du mandat du Vérificateur général, afin qu'il mette son nez là-dedans. Je ne croirai pas au sous-financement sans qu'on me montre des preuves.

9 Jeudi, vous avez parlé de justice et d'équité, mais certains estiment que ce sont les plus riches qui sont avantagés par le gel des droits de scolarité. Que leur répondez-vous?

Les plus riches vont payer plus d'impôt et vont donc contribuer davantage au système d'éducation. Avec l'indexation, la ponction aurait été beaucoup plus grande chez les pauvres. Et la hausse aurait été catastrophique pour eux ainsi que pour les jeunes issus de la classe moyenne qui n'ont pas accès à l'aide financière.

10 Sur le plan personnel, que retirez-vous de cette dernière année?

Sur les plans personnel et familial, ce fut une année difficile, mais je retire une très grande fierté de ce que nous avons accompli. Cela démontre qu'il faut être patient et déterminé pour atteindre ses objectifs. Il y a des moments où on a cru qu'on n'y arriverait jamais. Au final, ça valait les sacrifices, et il y en a eu beaucoup.

TWITTER +1 de Jocelyne Robert @JocelyneRobert

Avez-vous été pressentie par le Parti québécois pour vous présenter aux dernières élections?

Non. Aucun parti ne m'a approchée. Il faut dire que j'ai été très claire lorsque j'ai été réélue, en avril dernier. J'ai dit publiquement à quelques reprises que je terminerais mon mandat. Si on m'avait approchée, j'aurais donc refusé, car je crois qu'il faut toujours terminer ce qu'on a entrepris.