Le sondage CROP-La Presse sur la gestion de la crise étudiante par le gouvernement a soulevé les passions. Des internautes ont soulevé des questions quant à sa méthodologie. Alain Giguère, président de la firme, explique à La Presse pourquoi son entreprise a largement abandonné les sondages traditionnels effectués au téléphone.

La Presse: Pourquoi faire des sondages non probabilistes par panel?

Alain Giguère: On n'a plus les taux de collaboration [pourcentage des individus appelés qui acceptent de répondre aux questions] qu'on avait au téléphone il y a vingt ans, trente ans. Il faut vivre avec les contraintes de l'époque. Et il me semble qu'on se débrouille pas si mal.

Aujourd'hui vous prendriez la méthode qu'on utilisait il y a trente ans -le sondage parfaitement représentatif au téléphone-, les taux de participation sont tellement faibles... Je ne suis pas sûr qu'ils soient plus fiables. Un taux de réponse de 15% par exemple. Il y a 85% des gens qu'on n'a pas pu rejoindre. Qu'ont-ils en particulier les 15% qu'on a rejoints versus les 85% qu'on n'a pas rejoints? On ne sait pas. Le téléphone n'est plus la panacée qu'il était.

LP: CROP est-elle la seule maison de sondage à utiliser les panels?

A.G.: On les fait tous de la même façon. Nos sondages sont faits par panel, comme ceux de tout le monde d'ailleurs. Ce ne sont plus des sondages probabilistes comme on en faisait autrefois, mais ça ne veut pas dire qu'on n'est pas dans le champ pour autant.

LP: Et ailleurs dans le monde?

A.G. : Cette discussion n'aurait pas lieu si on était à New York ou à Washington. Là-bas, ils font un sondage téléphonique et ils sont contents lorsqu'ils ont un taux de réponse de 2%. Les sondages non probabilistes par panels constituent la norme.

LP: Comment les gens sont-ils choisis pour être sur un panel?

A.G.: Les critères sont ceux que l'on retrouve dans le recensement. Il y a des jeunes, des vieux, etc. Les panels sont constitués en essayant de trouver des gens qui vont reproduire autant que possible les caractéristiques générales dans la population générale du Québec.

LP: Les membres d'un panel sont-ils rémunérés?

A.G.: Oui, ils sont rémunérés. De nos jours, il y a des entreprises qui ne font que gérer un panel. Il y en a plusieurs. Nous on achète des panels. On compare la qualité de chacun et on a des méthodes qui nous permettent de vérifier à quel point le panel ressemble à la vraie population. On prend le meilleur.

LP: Comment comparer les sondages par panels et les «questions du jour» de plusieurs médias?

A.G.: Ce n'est pas la même chose du tout. Les gens qui répondent à une question sur un site internet partagent souvent les mêmes valeurs que le site en question. Ce sont des aficionados. Ils ne représentent pas la voix du Québec. Nous, on vise à capter l'opinion de la province. En plus, ils sont sujets à des mouvements de foule, à des appels à répondre à la question d'une certaine façon par des communautés qui partagent une même opinion. Les panels ne sont pas susceptibles d'être affectés de la sorte.

LP: Les sondages par panels ont-ils déjà prouvé leur efficacité?

A.G.: Nous avons été les premiers à détecter la vague orange des dernières élections fédérales avec un sondage non probabiliste. Elle s'est réellement produite. Malgré toutes les limites, on n'est pas si mal!

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Méthodologie du sondage publié dans La Presse d'aujourd'hui

Pour réaliser cette enquête, CROP a eu recours à une liste d'internautes qui ont accepté de participer à ses sondages. À partir de cette liste, un échantillon de 800 personnes a été constitué, au hasard, et les questionnaires ont été transmis. Les répondants reçoivent un courriel pour les inviter à remplir le questionnaire et ne peuvent participer qu'une fois à l'enquête. Le sondage a été mené à partir de jeudi vers 16h30 et s'est terminé vendredi midi.