Le projet de loi 78 «porte atteinte aux droits constitutionnels et fondamentaux des citoyens», a dénoncé le Barreau dans un communiqué publié tôt vendredi, à la suite d'une «analyse préliminaire».

> En graphique: le projet de loi 78 en quatre points

> En direct: les débats à l'Assemblée nationale

> En savoir plus: le projet de loi 178 (PDF)

Le bâtonnier du Québec, Me Louis Masson, formule des critiques nombreuses et virulentes. Selon lui, plusieurs articles «limitent clairement le droit de manifester pacifiquement de tous les citoyens sur tous les sujets». Il donne l'exemple des dispositions qui contraignent les organisateurs d'une manifestation de 10 personnes d'en fournir par écrit, 8 heures à l'avance, «la date, l'heure, la durée et le lieu». Les manifestations ne peuvent s'approcher à moins de 50 m d'un établissement d'enseignement, et leur trajet peut être modifié à la demande des policiers.

Cela est «contraire à la liberté d'expression», soutient le bâtonnier. On empêche les manifestations spontanées, et on exige des manifestants eux-mêmes qu'ils s'assurent que les informations transmises aux policiers soient respectées. «On est en droit de se demander qui osera encore aller manifester», dit Me Masson.

Déplacement du fardeau de la preuve

Le projet de loi 78 déplace le fardeau de la preuve, s'inquiète-t-il. Dans l'article 29, on indique que quiconque, par un acte ou une «omission», «aide [...] ou amène une autre personne à commettre une infraction» commet lui-même cette infraction.

On rendrait «les associations étudiantes et les syndicats responsables d'actes commis par autrui», estime le Barreau.

(N.B. Le terme omission a été retiré à la suite d'un amendement)

«Le gouvernement s'écarte des règles du Code civil», écrit Me Masson. Il déplore aussi les sanctions financières qu'on imposerait aux associations étudiantes, qui limitent selon lui la liberté d'association et «pourraient porter atteinte à la survie de ces associations étudiantes».

Ces peines risquent de dissuader les jeunes de «s'associer et de participer à des manifestations pacifiques ou d'en organiser», soutient le bâtonnier.

Me Masson dénonce aussi les nouveaux pouvoirs accordés au ministère de l'Éducation. Avec le projet de loi 78, le Ministère pourrait désormais ordonner aux cégeps et aux universités de cesser de percevoir les cotisations que versent les étudiants à leur association si celle-ci viole les dispositions de la loi. Par décret, sans passer par l'Assemblée nationale, le Ministère pourrait ainsi déroger à une loi.

Le bâtonnier répond à ses critiques

Critiqué sévèrement par certains de ses membres, Me Masson a tenu à préciser jeudi sa position sur la médiation et le recours à une loi spéciale. Cette position avait été formulée mercredi soir dans un communiqué qui disait dotamment: «Alors que les rumeurs d'adoption d'une loi spéciale s'intensifient, le Barreau du Québec demande aux parties de respecter toutes les composantes de la primauté du droit et leur demande de créer un climat propice à la sortie de crise en donnant une nouvelle chance aux pourparlers.»

En entrevue avec La Presse, le bâtonnier a préféré ne pas répondre directement à ces critiques. Le Barreau ne prétend pas représenter l'opinion de chacun de ses 24 000 membres, a-t-il expliqué, et il ne veut pas répondre à ceux qui ont exercé leur droit de le critiquer.

Me Masson a simplement rappelé l'objectif de sa démarche. «Le premier but, c'était de lancer un appel au calme, tout comme voulait le faire le premier ministre Charest», rappelle-t-il. Il voulait «créer un climat propice» pour trouver une solution. Il continue de prôner le respect de la règle de droit, y compris les injonctions. 

Il est normal que le Barreau ait proposé la médiation, argue-t-il. Cette voie est d'ailleurs privilégiée dans l'avant-projet de loi instituant le nouveau code de procédure civile. Le Barreau aurait voulu qu'on nomme trois médiateurs, de préférence acceptés par les deux parties.

Le Barreau intervient souvent en commission parlementaire pour commenter des projets de loi. Ses deux communiqués répondent à sa mission de protection du public, conclut Me Masson.