Une experte qui a témoigné devant la commission Charbonneau, Susan Rose-Ackerman, professeure à l'Université Yale, a suggéré que le gouvernement puisse adopter un processus différent pour les contrats peu compliqués comme la construction de routes et un autre pour les projets d'infrastructures complexes.

Mme Rose-Ackerman a témoigné par vidéoconférence depuis Berlin, jeudi, devant la commission d'enquête.

L'experte a dit croire que pour les contrats peu compliqués comme la construction de rues, de routes et trottoirs, les gouvernements municipaux ou provinciaux ne sont pas vraiment contraints de lancer un appel d'offres public, puisqu'il est facile de déterminer combien coûte un kilomètre de route, avec quelques variantes pour tenir compte par exemple de la topographie. Il s'agirait alors de «magasiner» auprès des entreprises en connaissant le coût de base des matériaux et du kilomètre de route.

C'est dans les projets plus complexes d'infrastructures que les risques de dérapage sont plus grands, croit-elle. Mais là encore, elle a signalé la possibilité pour le gouvernement d'agir comme un coordonnateur et d'acheter les services à la carte pour le génie, le béton, etc.

Contrairement à d'autres témoins, elle ne croit pas qu'il faille mettre de côté le critère du plus bas soumissionnaire conforme dans le cadre d'un appel d'offres public. Certains ont dit croire que cela pouvait faciliter le truquage des appels d'offres en les rendant très prévisibles.

Parmi les autres mesures anticorruption qu'elle a suggérées figurent la transparence des processus et de bonnes conditions de travail pour les fonctionnaires.



Plafond des dons aux partis

Le Québec pourrait bien obtenir l'effet inverse de ce qu'il souhaitait lorsqu'il a abaissé le plafond des dons aux partis politiques. Il pourrait se trouver à encourager ainsi les manoeuvres douteuses des partis politiques, a soutenu un expert, jeudi, devant la Commission Charbonneau.

Jonathan Hopkins, professeur associé en sciences politiques au London School of Economics, a soutenu que ce n'était «probablement pas» une bonne idée d'abaisser ainsi le plafond autorisé des dons aux partis politiques.

Le professeur Hopkins a expliqué que les besoins en argent des partis ne diminueront pas parce que la loi a abaissé le plafond des dons pouvant leur être versés et qu'en conséquence, les partis devront se tourner vers d'autres sources de financement pour subvenir à leurs besoins.

Il est allé jusqu'à dire que cela pourrait «accroître le besoin pour les partis de s'engager dans la corruption» afin d'obtenir de l'argent.

La directrice de la recherche de la commission qui interroge les témoins experts, Me Geneviève Cartier, a demandé à l'expert si le financement public des partis politiques pourrait alors être une solution.

Le professeur Hopkins, qui a particulièrement étudié les pays européens, a souligné qu'il n'existait pas de lien absolu entre le financement public des partis politiques et le niveau de corruption qu'on trouve dans ce pays. Ainsi, en Scandinavie, on trouve à la fois un financement public des partis politiques et un bas niveau de corruption, alors que dans des pays du sud de l'Europe, on trouve du financement public des partis et un haut niveau de corruption, a-t-il illustré.

Pour s'assurer que les mesures permettant de lutter contre la corruption soient efficaces, surtout si elles sont sévères, il importe d'avoir un appui ferme de la population, a plaidé le professeur Hopkins. Pour ce faire, il a vanté les mérites de la participation citoyenne et de l'engagement. Or, en Europe comme ici, la tendance est plutôt au désabusement face à la politique, surtout chez les électeurs dans la vingtaine et la trentaine, a-t-il convenu.

Moins de 2 à 3 pour cent des citoyens, souvent encore moins, font des dons aux partis politiques, a-t-il souligné. L'idéal pour la démocratie serait que plus de gens versent leur 100 $ au parti de leur choix et là, les contributions joueraient leur rôle démocratique et les partis disposeraient alors de suffisamment de fonds pour ne pas avoir besoin de chercher de l'argent ailleurs, a-t-il résumé.

Comme d'autres experts avant lui, le professeur Hopkins a aussi plaidé pour une grande transparence dans les processus afin de combattre la collusion et la corruption. Il a cité le cas de la Scandinavie, où même l'agenda du premier ministre est public, de même que l'échange de correspondance officielle des ministres.

La commission d'enquête, qui devait entendre ses derniers experts lundi prochain, pourrait prolonger leur audition d'une autre journée, soit mardi. Après une pause de quelques jours, les plaidoiries des avocats représentant les parties suivront. Le rapport final de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction est attendu en avril prochain.