L'ancien directeur-général de la Sûreté du Québec (SQ) et sous-ministre au ministère des Transports (MTQ), Florent Gagné, a tenté de justifier, aujourd'hui devant la commission Charbonneau, son inaction à résoudre les problèmes de collusion et de corruption qui ont gangréné le MTQ sous son règne.

« C'est de l'angélisme, de la pensée magique de penser qu'on aurait pu se débrouiller seuls », a déclaré l'homme qui a cumulé de nombreuses fonctions au sein de la haute fonction publique depuis les années 80.

Florent Gagné a occupé le poste de sous-ministre des Transports de 1989 à 1994. Il a fait le saut comme directeur-général de la Sûreté du Québec de 1998 à 2003, après un passage comme sous-ministre de la Sécurité publique. Il est d'ailleurs l'un des seuls civils à avoir pris la tête du corps policier provincial.

En 2003, l'homme qui a succédé à Gagné au poste de sous-ministre au MTQ, Jean-Paul Beaulieu, lui passe un coup de fil. Il l'informe qu'un de ses cadres nommé François Beaudry a des preuves de collusion à Laval.

Gagné soutient avoir communiqué l'information à la direction des enquêtes criminelles de la SQ, mais n'a fait aucun suivi. « Comme DG, je m'interdisais de rentrer dans les enquêtes », a-t-il expliqué.

«Vous serviez à quoi comme DG de la SQ si vous ne vous mêliez pas des enquêtes?» lui a alors lancé la juge France Charbonneau sur un ton tranchant.

Gagné a connu un passage houleux à la SQ. C'est notamment sous sa gouverne que l'enquête Bitume, qui se penchait sur la collusion, le trucage des marchés publics et la corruption à Laval, a été refermée un an après sa création. L'escouade spéciale de six enquêteurs mise en place a par la suite été dissoute.

En juin 2003, Florent Gagné est retourné au MTQ. Là encore, il n'a jamais cherché à en savoir davantage. Il n'a jamais tenté de rencontrer François Beaudry pour obtenir de l'information sur cette affaire. « Je n'ai jamais été conscient qu'il relevait directement de moi », a-t-il affirmé.

Pas le mandat du MTQ

Florent Gagné a indiqué que le MTQ n'avait ni le mandat, ni les ressources pour lutter contre la corruption. Le ministère ne pouvait pas ramasser de preuves comme la police.

« Nous n'étions pas complètement naïfs, nous entendions des choses, des rumeurs, des soupçons qui faisaient en sorte que nous étions en permanence sur nos gardes », a-t-il souligné.

Questionné sur ce qu'il aurait pu faire pour s'attaquer à ce fléau, il a répondu : « nos journées sont bien remplies, on ne se lève pas le matin en disant qu'on va arrêter les méchants »

Il était impossible de créer une liste noire d'entrepreneurs fautifs, a-t-il ajouté. « Si on avait fait ça, on se serait fait poursuivre immédiatement », a-t-il dit.

Dans son rapport de 2009, le vérificateur général du Québec Renaud Lachance avait blâmé Gagné pour son inaction au sujet de la collusion alors qu'il était à la tête du MTQ. Ironie du sort, Renaud Lachance est aujourd'hui commissaire à la commission Charbonneau où il copréside les audiences.

Florent Gagné a aussi été nommé tuteur de Laval lorsque la Ville a été placée sous tutelle par le gouvernement du Québec en 2013, à la suite des nombreux scandales de corruption et de collusion qui avaient éclaboussés ses élus.

Les audiences de la commission Charbonneau feront relâche jusqu'au 5 mai.