Un proche du crime organisé, Denis Vincent, en menait large au sein du bras immobilier du Fonds de solidarité FTQ, une présence que les hauts dirigeants de la centrale syndicale ont tenté de camoufler, révèle l'écoute électronique entendue à la commission Charbonneau.

Financement annulé après une demande d'argent refusée

La commission Charbonneau entend aujourd'hui l'enquêteur Michel Comeau, qui a enquêté sur le rôle auprès de la SOLIM de Denis Vincent, un pilote d'hélicoptère proche des Hells. «C'est comme un décideur», a résumé le témoin après avoir entendu plusieurs conversations interceptées par les policiers.

Photo fournie par la CEIC

Denis Vincent

En direct

Une enquête, le projet Foudre, a été déclenchée au début de 2009 quand un promoteur de spectacle de Québec a porté plainte. Laurent Gaudreau dit s'être fait retirer son financement du fonds immobilier après avoir refusé de verser à Denis Vincent un montant de 250 000$ qui devait servir à payer Jean Lavallée.

Bien vite, l'écoute électronique a permis de constater dérangeait en haut lieu à la FTQ. Michel Arsenault et Yvon Bolduc, pdg du Fonds de solidarité, multiplient les appels après avoir été questionnés par un journaliste de La Presse, Denis Lessard, a commencé à poser des questions à son sujet. «Ça ressemble à 'comment on pourrait faire pour cacher le plus de choses possibles par rapport à Denis Vincent aux médias et à l'opinion publique», a résumé Michel Comeau.

Michel Arsenault s'inquiétait du rôle de Denis Vincent qui était notamment impliqué dans le projet de Place Telus, à Québec. «C'est de l'argent propre?» a-t-il demandé à Yvon Bolduc, actuel PDG du Fonds. «Je le sais pas», lui a répondu candidement son collègue. «Il a dont ben d'argent Denis Vincent», a ajouté Arsenault, une remarque qui a bien fait rire Yvon Bolduc. «On va poser la question à Gionet».

Yvon Bolduc n'a pas caché son malaise face à Denis Vincent. «C'est un gars qui est louche. C'est juste un intermédiaire. Il baigne dans toutes sortes d'affaires et je suis pas sûr que c'est toujours catholique.»

L'écoute électronique révèle également la grande proximité entre Michel Arsenault et l'entrepreneur Tony Accurso. Le président sortant de la FTQ se renseigne notamment de la réputation de Denis Vincent auprès de l'homme d'affaires. Il lui fait aussi de grandes révélations sur la gestion interne de la centrale syndicale. «Garde ça pour toi: il y a une taupe au Fonds de solidarité», confie un jour Arsenault à Accurso.

Rôle de Vincent

Dans les enregistrements, on entend Denis Vincent tenter d'imposer le financement d'un projet par la Caisse Desjardins, où il est près d'un directeur, Marcel Champagne. L'écoute électronique met en évidence le malaise de Guy Gionet à faire affaire avec Desjardins alors que la SOLIM se trouve en conflit avec celle-ci.

Pour calmer Denis Vincent, il promet que Marcel Champagne aura droit à un «retour d'ascenseur» pour un autre projet. «On est des machines à développement», dit-il. «On comprend que Marcel Champagne est plus important pour Denis Vincent, mais Guy Gionet ne veut pas déplaire à Denis Vincent», a résumé Michel Comeau.

Projet Foudre

Ces conversations ont été interceptées dans le cadre du projet Foudre, une enquête policière déclenchée au début de 2009. Michel Comeau a expliqué qu'un promoteur de spectacle à Québec, Laurent Gaudreau, a porté plainte après s'être fait soudainement retirer son financement de la SOLIM quand il a refusé de payer 250 000$ pour Jean Lavallée.

Michel Comeau a relaté que Laurent Gaudreau a développé en 2002 un concept de spectacle. Alors qu'il est à chercher du financement, il rencontre dans un club d'aviation un certain Denis Vincent. Celui-ci lui propose de lui présenter «sa gang».

En avril ; 2004, Denis Vincent débarque au chalet de Gaudreau avec nul autre que Jean Lavallée. Rapidement, celui-ci accepte de financer son projet de spectacle. La SOLIM, bras immobilier du Fonds FTQ, confirme d'ailleurs son intérêt en juillet 2004.

Les choses se corsent quand Denis Vincent, alors devenu partenaire du promoteur, exige une importante somme d'argent.  «Si tu veux que ça avance ton projet, ça va prendre 250 000$ pour Jean Lavallée», aurait-il dit à Laurent Gaudreau, selon Michel Comeau.

Le promoteur a refusé de payer et la SOLIM a rapidement retiré son appui au projet. Le bras immobilier du Fonds FTQ a ensuite fait pression - avec succès- sur Desjardins pour récupérer les 2,6 millions investis dans le projet.

Les policiers ont déclenché une enquête après le retrait de l'argent du compte de Tipi, Laurent Gaudreau ayant porté plainte. Ceux-ci ont surpris de nombreuses conversations entre Denis Vincent et Guy Gionet, alors PDG de la SOLIM. Michel Comeau a présenté plusieurs de ces enregistrements. Dans l'un, Denis Vincent tient des propos menaçants pour Laurent Gaudreau. «Je te le dis, on va le retrouver pendu ou mort.»

Les deux hommes semblent surtout inquiets qu'un employé de la Caisse Desjardins les dénonce. «Richard Gagnon, c'est le seul qui peut nous faire chier dans un témoignage», entend-on dire Guy Gionet dans une conversation.

De fait, Richard Gagnon a témoigné hier à la Commission. Cet ex-directeur de compte au Centre de financement aux entreprises de Québec des Caisses Desjardins a lui aussi indiqué que le bras immobilier du Fonds de solidarité FTQ s'est subitement retiré du projet Tipi lorsque le promoteur dit avoir refusé de verser un quart de million à un proche du crime organisé.