L'ex-directeur du financement d'Union Montréal, Bernard Trépanier, reconnaît avoir séjourné sur le bateau de l'entrepreneur Tony Accurso, mais assure ne jamais avoir parlé des contrats de la Ville de Montréal.

Bernard Trépanier poursuit son témoignage cet après-midi devant la commission Charbonneau. Il a indiqué avoir été invité à l'été 2006 ou 2007 sur le Touch, le luxueux bateau de son bon ami, Tony Accurso. Il affirme que Bernard Poulin, président de la firme de génie SM, ainsi que leurs conjointes étaient présentes.

Le témoin a assuré qu'il n'avait jamais été question des contrats de la Ville. En fait, il dit avoir peu parlé avec ses partenaires de voyage, disant les avoir laissés ensemble, partageant seulement les repas avec eux. «De quoi on parle pendant une semaine sur un bateau?» a demandé le procureur Denis Gallant. «J'étais seul. J'allais en avant avec un livre», a simplement répondu Trépanier.

Frank Zampino aussi a séjourné sur le Touch, mais sans lui, a assuré Trépanier. Les deux ont déjà parlé du bateau ensemble, mais le témoin est resté avare de détails sur leurs conversations à ce sujet.

Me Gallant est également revenu sur certaines rencontres au club privé 357c. Bernard Trépanier dit avoir été invité par Pierre Bibeau, une connaissance, pour que Frank Zampino soit présent.

Bernard Trépanier a fermement nié avoir reçu une enveloppe remplie d'argent, comme l'a affirmé l'ingénieur Michel Lalonde lors de son témoignage. «C'est complètement faux», s'est fâché le témoin. Plus tard, il a assuré n'avoir «jamais» faire de financement pour le Parti libéral du Québec (PLQ).

La Commission a par ailleurs relevé que Bernard Trépanier et sa femme ont contribué pour 25 000 $ au PLQ de 2003 à 2009, le maximum permis par la loi.

Plut tôt, Bernard Trépanier a par ailleurs nié avoir empoché les 1,7 million de dollars que cinq témoins ont affirmé devant la commission Charbonneau avoir versés à Union Montréal par son entremise. Estimant servir de bouc émissaire pour les acteurs de la collusion, l'homme prévient que «je ne craquerai pas».

Depuis janvier, cinq hauts dirigeants de firmes de génie ont défilé devant les commissaires France Charbonneau et Renaud Lachance pour confirmer avoir pris part à un stratagème de collusion. En échange de contrats municipaux, les ingénieurs disent avoir accepté de verser chacun des centaines de milliers de dollars au parti de l'ex-maire Gérald Tremblay, par l'intermédiaire de Bernard Trépanier.

Bernard Trépanier estime que les firmes de génie se servent de lui comme d'un bouc émissaire quant au financement illégal d'Union Montréal. «Ils se disent le gars va prendre ça, il a 74 ans, il va craquer. Je ne craquerai pas. Ce que j'ai pris, je l'ai pris. Ce que je n'ai pas pris, je ne l'ai pas fait» s'est défendu le témoin à la reprise de son témoignage ce matin.

Le témoin a également contredit le trésorier Marc Deschamps, affirmant que celui-ci était au courant pour le financement en provenance des firmes de génie. Il a notamment déclaré avoir informé le comptable du paiement d'un 40 000 $ en argent comptant de la part de SNC-Lavalin. «Dans l'échange avec SNC, je me suis en allé au bureau discrètement, j'ai mis ça dans le «safe» et j'ai prévenu Marc Deschamps», a dit M. Trépanier.

L'homme de 74 ans a par ailleurs nié que les entreprises de construction de la métropole aient versé 3 % de leurs contrats à Union Montréal. L'ex-directeur du financement du parti assure qu'il se contentait de leur vendre des billets à des activités de financement.

Bernard Trépanier poursuit ce matin son témoignage devant la commission Charbonneau. Le procureur Denis Gallant a questionné le témoin sur ses fréquents contacts téléphoniques avec divers entrepreneurs. Ses relevés téléphoniques démontrent que Trépanier s'est entretenu à 1300 reprises avec Paolo Catania et autant de fois avec Tony Accurso. La Commission a aussi relevé 81 communications avec Nicolo Milioto.

«Tony, c'est un chum», a répondu Bernard Trépanier, pour expliquer ses fréquents appels avec celui-ci.

Le témoin a assuré que ces échanges téléphoniques ne servaient pas à coordonner le paiement d'une ristourne de 3 % des contrats obtenus auprès de la Ville de Montréal. Il a assuré qu'il se contentait de leur vendre des billets à des activités de financement d'Union Montréal. Il a simplement admis qu'il était plus facile de vendre des billets à des amis.

570 000 $ d'Astral

Plus tôt, le procureur Denis Gallant a révélé que la compagnie Astral a versé 570 000 $ à Bernard Trépanier de 2002 à 2011. L'ex-directeur du financement d'Union Montréal a affirmé que cet argent était une rémunération pour aider l'entreprise à implanter ses panneaux-réclames dans diverses villes.

Les enquêteurs de la Commission ont passé au peigne fin les états financiers de Bermax, l'entreprise de Bernard Trépanier. Ils y ont retrouvé des centaines de milliers de dollars en paiements de la compagnie Astral. Seulement en 2002, l'homme a perçu pas moins de 140 000 $ de la compagnie.

Bernard Trépanier a expliqué qu'il aidait l'entreprise à implanter ses panneaux-réclames sur les terrains de diverses municipalités. «J'ouvrais la porte. Quand Astral avait identifié un site, ils voulaient aller le présenter à la municipalité. Connaissant le maire, je les introduisais», a-t-il expliqué.

En échange de ses contacts, Astral lui versait une ristourne sur les revenus générés par les panneaux implantés. Il a ainsi touché 36 000 $ en 2002 pour son travail à Saint-Léonard, arrondissement de Frank Zampino à l'époque. Il a aussi reçu 10 000 $ pour Sherbrooke et 1200 $ à Waterloo, en Montérégie, près de Granby.

Le procureur Denis Gallant s'est étonné qu'une aussi importante entreprise qu'Astral ait besoin de ses services. «J'étais l'ouvreur de porte. Quand vous appelez quelqu'un, ça peut prendre des semaines avant de le rencontrer. Quand vous le connaissez, c'est trois jours», a dit Bernard Trépanier.

Le témoin assure ne jamais avoir versé une partie de ces sommes à des élus pour qu'ils acceptent les panneaux d'Astral. «Je n'ai jamais donné de ristourne à personne», a assuré Trépanier.

L'homme qui organisait des élections un peu partout au Québec admet avoir profité de ses contacts pour son entreprise. «En étant au développement des affaires, je voyais aussi à mes affaires», a-t-il laissé tomber.

En 2010, les paiements d'Astral cessent brusquement. Loin d'y voir un lien avec la mise sur pied de l'escouade Marteau, Bernard Trépanier affirme que le développement des panneaux-réclames a atteint ses limites. «Le mot chez Astral, c'était qu'on a assez tapissé, on va attendre. On ne peut pas seulement faire une ville avec des panneaux.»