L'ancien ministre du Travail David Whissell se dit prêt à comparaître devant la commission Charbonneau pour donner sa version des faits. L'ingénieur Christian Côté, mis sur la sellette par Lino Zambito, s'occupait de son financement, mais il n'a jamais eu l'autorisation de demander des contributions illégales à qui que ce soit.

Les déclarations faites par Lino Zambito la semaine dernière, libérées hier soir de l'ordonnance de non-publication de la commission Charbonneau, ont pris de court le Parti libéral du Québec (PLQ). Le parti n'a pas de statut d'intervenant à la Commission et, la semaine dernière, n'avait même pas de représentant dans la salle d'audience où toute l'assistance a pu prendre connaissance des révélations explosives de l'entrepreneur.

Joint hier soir, M. Whissell a souligné que l'ingénieur Christian Côté était un militant actif du PLQ et qu'il le connaissait depuis les années d'opposition - avant 2003. «Il s'est occupé du financement du PLQ, il était solliciteur en règle pour le parti. Moi, je faisais toujours du financement local», a insisté M. Whissell. «Je n'ai jamais fait de financement à l'extérieur de ma circonscription», a-t-il ajouté.

L'attitude agressive de l'ingénieur avait été signalée à son employeur, Dessau, par des gens influents au PLQ. Il avait disparu de la carte depuis deux ou trois ans. Dans les Basses-Laurentides, il disait aux édiles municipaux qu'ils perdraient leurs subventions pour des infrastructures s'ils ne faisaient pas affaire avec sa firme. Il prétendait surtout pouvoir influencer le ministre responsable de la région, David Whissell, qui avait un droit de regard sur l'ensemble des subventions de la région. Christian Côté était proche de M. Whissell ainsi que de Bruno Lortie, chef de cabinet de Nathalie Normandeau aux Affaires municipales, indique-t-on dans les coulisses chez les libéraux.

M. Côté était copropriétaire du restaurant Papparazzi, où M. Whissell se rendait très fréquemment, se souvient le député caquiste Éric Caire. Il a été le premier, en avril dernier, à attacher le grelot aux relations entre Christian Côté et les ministres Whissell et Normandeau.

M. Whissell soutient n'avoir jamais entendu parler de la demande de 50 000$ faite par M. Côté auprès de l'entrepreneur Lino Zambito. «Jamais, dans mon entourage, je n'ai eu vent que quelqu'un ramassait de l'argent illégalement. Jamais je ne l'aurais accepté, a-t-il assuré. M. Zambito a admis avoir commis des actes criminels et a allégué des faits, je vous dis que je n'ai jamais commis de tels actes.»

«Pas de commentaires»

Du côté de Nathalie Normandeau, le porte-parole de son employeur, Raymond Chabot Grant Torthon, Francis Letendre, a déclaré que l'ex-ministre refusait de commenter la situation.

Joint aussi hier soir, Pierre Bibeau, ex-organisateur libéral, a reporté à plus tard ses commentaires. «Je dois voir d'abord la transcription exacte de ce qu'a soutenu M. Zambito», s'est-il contenté de dire.

Dans les coulisses, toutefois, des sources libérales proches de ces échanges confirment en gros les explications de l'entrepreneur Zambito.

L'ingénieur Christian Côté avait demandé 50 000$ pour le financement du PLQ à l'entrepreneur Lino Zambito. Ce dernier, surpris, avait demandé conseil à son oncle, Jean Rizzuto, propriétaire du Marché 440 à Laval. M. Rizzuto avait demandé à Pierre Bibeau des renseignements sur M. Côté, «qui se présentait comme le gars de Whissell».

M. Bibeau aurait ensuite appelé son fils, Alexandre, alors chef de cabinet du ministre Whissell, qui avait dit de ne pas s'occuper des représentations de l'ingénieur.

Le nom de Christian Côté a déjà fait surface dans un reportage de Radio-Canada, au printemps 2010, concernant un cocktail de financement pour l'ex-ministre des Affaires municipales Nathalie Normandeau, tenu à Montréal en octobre 2008.

Cette soirée avait été organisée par M. Côté, vice-président d'une filiale de la firme de génie-conseil Dessau. On y avait recueilli 43 000$. Déjà, on décrivait l'ingénieur comme proche de Nathalie Normandeau et de David Whissell.

Mme Normandeau y admettait connaître M. Côté depuis 1998 et avoir travaillé avec lui dans ses activités de financement.

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Ordonnance de non-publication

Les 3 et 4 octobre derniers, une partie du témoignage de l'ex-entrepreneur en construction Lino Zambito devant la commission Charbonneau est tombée sous le coup d'une ordonnance de non-publication. Cette ordonnance a pour but d'éviter que des informations liées à des procès criminels en cour soient divulguées. Cette ordonnance a été en partie levée, hier. Par contre, des éléments du récit de Lino Zambito, dont le nom de certaines personnes ou de certains lieux, sont toujours soumis à l'ordonnance. Ces restrictions expliquent le manque de précision entourant les dossiers évoqués par l'ancien patron d'Infrabec, lors de son témoignage. Dans la mesure du possible, nous avons cherché à relater le contexte et les faits de manière à les rendre aussi clairs que possible, en protégeant les informations encore sous l'ordonnance de non-publication.