L'ex-juge à la Cour suprême Claire L'Heureux-Dubé est venue vendredi apporter un appui inconditionnel au projet de charte de la laïcité du gouvernement Marois.

Des conséquences odieuses, dit Louise Arbour

Au passage, elle a écorché le Parti libéral de Philippe Couillard, en rupture avec son passé de grand défenseur de la laïcité et des droits des femmes, selon elle.

Mme L'Heureux-Dubé a dit estimer que le projet de loi 60, qui définit la charte de la laïcité de l'État québécois, devrait passer sans problème le test des tribunaux, le cas échéant. Ceci dit, elle ne verrait aucun obstacle à ce que le gouvernement choisisse de recourir à la clause dérogatoire de la Charte canadienne des droits pour se soustraire à d'éventuels recours judiciaires. «Pas nécessairement, mais si nécessaire», a-t-elle dit.

Le volet le plus controversé du projet de loi 60, soit l'interdiction faite aux employés de l'État de porter des signes religieux ostentatoires, n'est d'aucune façon discriminatoire, aux yeux de la juriste qui a siégé au plus haut tribunal du pays de 1987 à 2002. Le port de signes religieux n'est pas un droit fondamental, a-t-elle fait valoir. Et aucun droit n'est absolu.

Les signes religieux «font partie de l'affichage de ces croyances religieuses et non pas de la pratique d'une religion», selon celle qui juge parfaitement raisonnable que l'État impose à ses employés des restrictions à la liberté d'expression religieuse, de la même manière qu'il leur demande de renoncer à leur liberté d'expression politique.

En point de presse, après la présentation de son mémoire devant les parlementaires qui mènent la consultation sur la charte, Mme L'Heureux-Dubé s'est montrée surprise et déçue de la position adoptée par le Parti libéral du Québec qui, selon elle, vient en contradiction flagrante avec la tradition de ce parti, de tout temps favorable à la laïcité de l'État et à la promotion de l'égalité des droits pour les femmes.

«Étant libérale moi-même, j'aurais aimé quelque chose de plus positif en rapport avec toute la lignée, la grande lignée de tradition libérale pour la laïcité. Les libéraux se sont battus contre l'Église», à maintes occasions, a-t-elle relaté, notamment lors de l'adoption du droit de vote pour les femmes en 1940, que contestait le clergé.

«Je me demande comment on peut renier cette grande tradition de laïcité», s'est-elle interrogée.

Dans le même esprit, elle trouve aussi dommage que le parti dirigé par Philippe Couillard ne se soit pas montré davantage ouvert aux propositions de la députée Fatima Houda-Pepin, forcée de quitter le caucus parce qu'il refusait d'envisager toute forme d'interdiction des signes religieux.

«J'ai beaucoup d'admiration pour elle, pour le courage qu'elle a démontré», a dit l'ex-juge, persuadée que Mme Houda-Pepin «sait ce dont elle parle» lorsqu'elle aborde les questions de laïcité.

La juriste, qui se définit comme une éternelle «dissidente», s'inscrit en faux contre ceux prompts à prétendre que le charte aura un effet pernicieux sur les droits des femmes, particulièrement les musulmanes portant le voile, donc susceptibles de perdre leur emploi dans la fonction publique.

Cette thèse ne tient pas la route, selon elle, car «la charte de la laïcité ne cause aucune discrimination contre les femmes. On pourrait se demander, dans l'état actuel, qu'est-ce qui discrimine le plus, ce sont les religions ou c'est la charte de la laïcité?».

L'ancienne juge représentait les Juristes pour la laïcité et la neutralité religieuse de l'État, qui regroupe 12 signataires, dont le constitutionnaliste Henri Brun et l'ancienne bâtonnière du Barreau de Montréal, Julie Latour, qui l'accompagnaient.

«Il ne faut pas rater l'occasion de baliser les choses pour l'avenir», a plaidé M. Brun, convaincu que Québec n'a pas à craindre les recours devant les tribunaux.

Le constitutionnaliste de l'Université Laval est formel: «Nous croyons que ce projet de loi, dans son intégralité, est constitutionnel, est valide».