Radia Kichou a eu une mauvaise surprise lorsqu'elle s'est rendue récemment à la garderie de sa fillette de deux ans à Saint-Léonard.

«Quand j'ai discuté avec l'éducatrice, j'ai entendu un cri d'enfant. C'était vraiment intrigant. J'ai dit: qu'est-ce qui se passe? Elle m'a dit: c'est l'application de l'appel à la prière que je viens d'installer sur mon ordinateur», a raconté la résidente permanente musulmane en commission parlementaire.

Les enfants regardaient des dessins animés quand ce bruit «leur a fait peur»,  a raconté Mme Kichou, immigrée au Québec depuis moins d'un an. Selon son témoignage, il ne s'agirait pas d'un cas isolé, mais bien d'une situation qui poserait problème. Il n'a pas été possible de jooindre l'éducatrice pour obtenir sa version des faits.

Elle témoignait pour les droits des femmes du Québec (PDF-Québec), un groupe féministe qui appuie la charte de la laïcité du gouvernement péquiste. Elle était accompagnée par Noami Caron et Michèle Sirois, anthropologue spécialisée dans les religions et cofondatrice du nouveau groupe.

«J'ai trouvé ça épouvantable», lance-t-elle. «C'est depuis ce jour-là que j'ai décidé vraiment de me mêler dans les discussions qui portent sur la laïcité.»

Quand les parents viennent chercher leur enfant, l'éducatrice demande: est-ce papa ou maman? Si c'est papa, elle met son voile, a ajouté PDF-Québec après son témoignage en commission. Le groupe féministe y voit la promotion d'un symbole «sexiste» et une forme de prosélytisme. 

À ceux qui soulignent le manque d'études pour prouver l'existence de problèmes liés au port de signes religieux et au prosélytisme, Mme Kichou a offert un autre exemple. Elle a dénoncé des «situations très, très désobligeantes» pour les immigrants lors des séances de formation offertes par des fonctionnaires du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Mme Kichou a demandé au fonctionnaire si aller chez le dentiste ou la coiffeuse coûtait cher au Québec. «Il a dit: pourquoi vous avez besoin d'aller chez la coiffeuse puisque vous êtes voilée», rapporte-t-elle. Elle se demande aussi pourquoi le formateur, dans le cadre de la promotion du programme «Le Nord pour tous»,  précisait qu'il ne pouvait pas «manger le caribou parce qu'il n'était pas halal». Des Haïtiens et Latino-Américains se trouvaient alors dans la salle qui entendait ces paroles, souligne-t-elle.

«C'était vraiment désobligeant comme cours, rapporte-t-elle. Je ne dis pas qu'il n'a pas fait un bon travail dans sa façon de nous montrer comment rédiger un C.V., chercher du travail et tout le reste. Mais je tiens à signaler que ce n'était pas vraiment un enseignement des plus laïques.»

Mme Kichou y voit une contradiction avec la déclaration de valeurs communes que doivent signer les immigrants à leur arrivée. Ils y certifient vouloir vivre au Québec «dans le respect des «valeurs communes», soient celles d'une «société libre et démocratique» et «pluraliste» où «les pouvoirs politiques et religieux sont séparés».

La charte et les garderies en milieu familial

La fillette de Mme Kichou fréquente une garderie subventionnée en milieu familial. Selon le projet de charte péquiste, cette catégorie particulière ne serait pas assujettie à l'interdiction du port de signes religieux. L'article 30 y applique une disposition qui existe déjà pour les centres de la petite enfance (CPE). Il stipule que les «activités et échanges éducatifs ne peuvent avoir pour objectif un tel apprentissage (d'un dogme ou religion)». Ce doit donc être une visée. Selon PDF-Québec, cet article permettrait de lutter contre les pratiques de la garderie de Mme Kichou.