Persuadé que la police se trompait outrageusement dans l'affaire Shafia, un étudiant de Kingston s'est improvisé enquêteur pour refaire le travail, à l'automne 2009. Le Columbo en herbe, qui s'est fait payer 4500$ par Mohammad Shafia, a ensuite remis son rapport aux policiers de Kingston afin de leur démontrer qu'ils avaient tout faux et qu'ils devaient libérer les trois accusés.

Cette étonnante révélation a été faite, mardi, lorsque l'étudiant en question a été appelé à la barre, au procès pour quadruple meurtre de Mohammad Shafia, de sa femme Tooba et de leur fils Hamed. Une ordonnance de la Cour nous interdit de dévoiler l'identité de ce témoin pour le moment. D'origine afghane, le jeune homme étudiait à Kingston en ingénierie et travaillait dans un dépanneur quand le drame de l'écluse s'est produit. Le témoin a raconté qu'il avait entendu parler de la tragédie dans les médias en juillet 2009. Curieux, il est allé voir l'endroit où cela s'était produit. Quand il a lu un article, le 15 août 2009, signalant que les avocats éprouvaient des problèmes de communication avec le couple Shafia en raison de la langue, l'étudiant, qui parle le farsi, a décidé de proposer ses services comme traducteur. Me Peter Kemp, avocat de Mohammad Shafia, l'a embauché et lui a fait signer une entente de confidentialité. Le jeune homme devait agir à titre d'interprète pour le couple. Mais très vite, il a outrepassé son rôle. Il allait visiter seul chacun des accusés en prison. Il est aussi allé à Toronto et sur les lieux de la tragédie avec des membres de la famille Shafia.

Très rapidement également, il a été convaincu que les Shafia, notamment Mohammad, ne pouvaient pas avoir commis un crime aussi horrible et haineux. «Mohammad Shafia est très religieux. Contrairement aux gens qui disent que cela a été fait pour des motifs religieux, je pense qu'une personne très religieuse et pieuse [comme Shafia] ne ferait jamais une telle chose», a dit le témoin en 2009.

Quoi qu'il en soit, alors qu'il visitait Mohammad Shafia en prison, seul, l'étudiant a proposé ses services pour découvrir la vérité. Cela méritait compensation. Mohammad a accepté et a payé 4500$ au jeune homme. Tout cela s'est passé à l'insu des avocats. Il n'empêche que, en passant par Mohammad Shafia, le jeune homme a fini par obtenir que Me Kemp lui remette le disque dur contenant toute la preuve disponible à ce moment.

200 heures à réviser la preuve

Mardi, le jeune homme a raconté avoir passé environ 200 heures à réviser la preuve. Il détenait de nombreux documents de la preuve, entre autres d'écoute électronique. Selon son évaluation, il a passé une cinquantaine d'heures à visiter les accusés en prison pour leur faire part de ses découvertes. Au bout du compte, il a même réussi là où les enquêteurs de police avaient échoué: il a obtenu une déclaration d'Hamed, le fils accusé. Le témoin semble bien fier de cette déclaration, car, dit-il, «l'histoire d'Hamed correspond à toute la preuve». Il a fait son rapport et l'a remis à la police le 7 novembre 2009.

«Je voulais le soumettre à la police pour qu'elle comprenne la vérité et enquête de façon responsable. Pour moi, cela n'avait pas de sens de les accuser. J'espérais que les policiers se corrigent et les libèrent», a-t-il dit, mardi.

Le témoin a enregistré la fameuse déclaration d'Hamed en prison et celle-ci a été présentée au jury, mardi. Comme elle dure trois heures, seule la moitié a été entendue. Mais ce qu'on a entendu jusqu'à présent démontre que c'est le témoin qui parle presque tout le temps. Il s'efforce de démonter la théorie policière et distribue les blâmes aux enquêteurs. «Ils sont stupides, répète-t-il souvent. Il leur reproche d'être de mauvaise foi, de ne pas croire ce que les accusés leur disent, d'être trop insistants et agressifs. Il dit également avoir relevé des erreurs d'interprétation. Mohammad Shafia, sa femme Tooba et leur fils Hamed sont accusés d'avoir tué avec préméditation par noyade les soeurs Zainab, Sahar, Getti, et Rona, première femme de Mohammad Shafia.