(Ottawa) Le gouvernement fédéral s’est lancé dans le « plus important programme de vaccination de masse de l’histoire » du pays durant la pandémie. Grâce à des ententes conclues avec sept fabricants, il a réussi à obtenir suffisamment de doses de vaccins pour protéger la population contre la COVID-19, mais ses efforts pour réduire le gaspillage ont été « infructueux ».

C’est ce que constate la vérificatrice générale du Canada, Karen Hogan. Elle a déposé deux rapports liés à la pandémie mardi, l’un sur les vaccins commandés par le gouvernement et l’autre sur les prestations versées aux Canadiens.

En tout, le gouvernement a payé 5 milliards pour 169 millions de doses de vaccins contre la COVID-19 entre décembre 2020 et mai 2022. De ce nombre, la vérificatrice générale note que 13,6 millions ont atteint leur date de péremption avant d’être donnés à d’autres pays et qu’un nombre encore indéterminé pourrait demeurer inutilisé d’ici la fin de l’année.

« Le ministère m’a confirmé qu’il y a environ un autre 11 millions de doses à ce point-ci qui ont expiré, alors oui, le chiffre de doses qui ne sont pas utilisées pourrait continuer à augmenter », a-t-elle révélé en conférence de presse. Le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, a confirmé ce chiffre par la suite en mêlée de presse.

Au 31 mai 2022, les stocks de vaccins du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires comptaient 32,5 millions de doses d’une valeur de 1 milliard de dollars. La plupart atteindront leur date de péremption à la fin du mois de décembre si elles ne sont pas utilisées pour les doses de rappel.

Or, l’Agence de la santé publique du Canada n’est pas en mesure « d’assurer un suivi adéquat des vaccins excédentaires et gaspillés » après la livraison des vaccins, selon Mme Hogan. Elle mentionne deux raisons : l’absence d’entente entre les provinces et les territoires pour l’échange de données sur la santé et des retards dans la mise en œuvre du système informatique ConnexionVaccin pour gérer les stocks.

« On est en 2022 au Canada, notre système de données en santé n’est pas un système de classe mondiale, a reconnu le ministre Duclos en mêlée de presse. Il est un système de classe médiocre. » Le partage des données en santé est l’une des pommes de discorde dans la négociation des transferts en santé.

En l’absence de données complètes, « l’état de ces doses était inconnu, réduisant la capacité de l’Agence de prévoir les besoins et de planifier les dons ». Au moment de l’audit, 84 millions de doses avaient été administrées au pays et 50,6 millions étaient considérées comme excédentaires.

Mme Hogan a également révisé le processus accéléré d’autorisation de vaccins et conclut qu’il faisait preuve du « même niveau de diligence » que le processus habituel.

Des milliards à récupérer

L’Agence canadienne du revenu risque de manquer de temps pour recouvrer 4,6 milliards de prestations payées en trop durant la pandémie, selon la vérificatrice générale. Elle a 36 mois après un versement pour vérifier l’admissibilité d’un particulier à un programme lié à la COVID-19, sauf si elle a des raisons de croire qu’une personne a fait une fausse déclaration.

« Je suis préoccupée par le manque de rigueur des activités de vérifications après paiement et de recouvrement », a affirmé Mme Hogan en conférence de presse.

La vérificatrice générale estime que d’autres paiements à des particuliers ou à des employeurs totalisant 27,4 milliards devraient faire l’objet d’un examen.

Elle souligne que les efforts déployés pour recouvrer « des montants ont été limités ». L’Agence du revenu du Canada s’est limitée à répondre aux appels de gens qui voulaient faire un remboursement volontaire, ce qui lui a permis de percevoir 2,3 milliards de prestations versées en trop en date de l’été 2022.

« Ça démontre comment il y a du laxisme dans l’ensemble de la gestion des programmes », a réagi le député conservateur Pierre Paul-Hus. Il craint que le même scénario se répète pour la nouvelle Prestation dentaire canadienne et appelle le gouvernement à mettre des balises claires dès le départ.

« On a sauvé des emplois, on a sauvé des gens, on a sauvé des familles », s’est défendu la ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier. « Le travail de vérification est débuté, a-t-elle ajouté. Les lettres ont été envoyées. »

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, suggère au gouvernement de cibler « les cas d’abus les plus vraisemblables dont les sommes sont les plus importantes », étant donné le peu de temps qu’il a pour le faire.

Il devrait toutefois offrir « une amnistie » pour les personnes à faible revenu visées par une demande de remboursement de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) et de la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE), selon le député néo-démocrate Daniel Blaikie.

La Presse rapportait la semaine dernière que l’Agence du revenu du Canada veut recouvrer 3,2 milliards versés en trop dans le cadre de la PCU, de la PCRE et de la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants.

En savoir plus
  • 30 $
    Coût moyen d’une dose de vaccin contre la COVID-19 au 31 mai 2022
    source : bureau du vérificateur général du Canada
    211 milliards
    Montant total des prestations d’aide versées durant la pandémie
    source : Bureau du vérificateur général du Canada