Un an et demi après avoir eu la COVID-19, Jennyfer, 15 ans, n’a toujours pas retrouvé l’odorat. Elle a des problèmes de sommeil, de mémoire et de concentration qui minent son énergie, ses résultats scolaires et sa vie sociale. Les enfants atteints de la COVID longue ont besoin d’aide, plaident la jeune fille et sa mère.

Il y a d’abord eu l’infection, en février 2021, qui a privé Jennyfer d’odorat et d’une partie de son énergie. Et plus d’un an après, en mai et juin derniers, l’insomnie, les maux de tête et le brouillard mental se sont installés.

« Pendant les cours, je comprends ce qu’il faut faire, mais devant un examen, je ne m’en rappelle plus. Avant, j’avais des 80 et là, j’ai des 60 ou 70. Je ne sais jamais si, en arrivant à l’examen, je vais avoir oublié ou non », explique la jeune fille rencontrée au CHU Sainte-Justine, seul endroit où elle a pu avoir un suivi médical.

Une cinquantaine d’enfants et d’adolescents affectés par la COVID longue ont déjà été vus ici depuis un an.

« Le nombre de cas n’est pas aussi important que dans la population adulte, mais ça existe », souligne la Dre Marie-Joëlle Doré Bergeron, responsable du groupe de pédiatres qui traitent ces patients.

La COVID-19 de longue durée (quand il y a des symptômes physiques ou psychologiques plus de 12 semaines après l’infection) « peut toucher les adultes et les enfants », reconnaît Santé Canada. Les mineurs sont malheureusement absents des premières données pancanadiennes publiées récemment. Et le ministère québécois de la Santé et des Services sociaux n’a pas répondu à notre demande de données.

À Sainte-Justine, Jennyfer a été dirigée en oto-rhino-laryngologie pour s’assurer que la perte d’odorat ne cachait pas un problème d’ouïe et a reçu une ordonnance de mélatonine pour l’insomnie qui l’a déjà tenue éveillée trois jours.

Ailleurs, par contre, sa mère s’est butée à des portes closes. Un médecin de famille a cru à un TDAH (trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité), le CLSC consulté avait plus de six mois d’attente pour un psychologue et la clinique de COVID longue qu’elle a contactée ne prenait pas les mineurs.

« Les médecins ne sont pas au courant en dehors d’ici. On n’a pas de ressources, c’est comme s’ils oubliaient les enfants dans cette histoire », déplore Roxane Gaucher.

Plusieurs facettes perturbées

La COVID longue perturbe tous les aspects de la vie.

En l’absence d’odorat, le goût se fourvoie. « Entre un chocolat Aero ou au caramel, il n’y a pas de différence. La viande goûtait comme si elle était périmée, et le lait peut goûter l’orange », illustre Jennyfer.

Quand son Fanta à l’orange a pris un goût de cornichon, elle y a renoncé… tout comme au camping, où les jolis feux sentent « comme la fumée moisie ou une odeur bizarre ».

Se remettre d’une activité lui prend jusqu’à une semaine.

« Je sors moins avec mes amis », résume l’adolescente, en donnant l’exemple de La Ronde, qu’elle fréquentait beaucoup auparavant. Elle y est allée une seule fois pendant l’été, une visite appréciée, « mais c’était épuisant ».

Certains jeunes atteints de la COVID longue souffrent même de douleurs chroniques ou n’ont plus la force d’aller en classe. « Ce n’est pas la norme ni la majorité, mais j’ai vu des patients comme ça, dont une patiente en arrêt d’école durant huit à dix mois parce qu’elle était très fatiguée », témoigne la Dre Doré Bergeron.

La pédiatre, qui travaille à la Clinique de la douleur du CHU Sainte-Justine, voit beaucoup de similitudes avec les jeunes atteints de douleurs chroniques sans lien avec la COVID-19.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

La Dre Marie-Joëlle Doré Bergeron

Souvent, ce sont des enfants ou des adolescents qui ont vraiment réduit leurs activités de manière substantielle. Et on sait que lorsqu’on est très fatigué, ne rien faire n’aide pas, c’est contre-productif.

La Dre Marie-Joëlle Doré Bergeron, pédiatre au CHU Sainte-Justine

Selon les besoins, elle leur prescrit des médicaments contre la douleur, les dirige en pneumologie ou en physiothérapie. « L’idée est de remettre les gens en action tout en les guidant dans l’intensité et la quantité. »

Plusieurs jeunes se sont d’ailleurs rétablis, certains après une seule consultation. « Ce n’est pas toujours évident », constate toutefois la pédiatre. « Ce serait mentir que de dire aux familles que j’ai des recettes miracles dans ma poche. Quand on parle de réadaptation, c’est du long terme, ce n’est pas quelque chose qui va se régler en deux semaines. »

« Un stress énorme »

Pour les parents, « c’est un stress énorme », souligne Mme Gaucher.

« [Jennyfer] m’a déjà dit : ‟Est-ce que je vais pouvoir avoir des enfants et une carrière ? J’ai des projets de vie, maman !” »

Jennyfer a finalement pu rencontrer un travailleur social par l’intermédiaire de son école. Il faudrait « essayer d’avoir plus de programmes », plaide la jeune fille, qui désire elle-même devenir psychologue.

« J’espère que le gouvernement va développer des fonds pour les enfants, parce qu’il doit y en avoir plein comme ça, et ils sont aussi atteints que les adultes », fait valoir sa mère.

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