Plus d’un adulte québécois sur quatre a contracté la COVID-19 pendant l’hiver, entre décembre et mars, révèle une nouvelle étude de séroprévalence publiée ce lundi par Héma-Québec. Il s’agit de la quatrième grande enquête de l’organisme depuis le début de la pandémie, il y a deux ans.

« On n’est pas du tout surpris. Dans nos vies personnelles, on a tous connu récemment quelqu’un qui a fait l’infection avec Omicron. Et ça n’est pas allé en diminuant durant les trois premiers mois de l’année », lâche le DMarc Germain, vice-président aux affaires médicales et à l’innovation chez Héma-Québec, en entrevue avec La Presse.

Ce sont précisément 27,8 % des adultes qui auraient contracté le virus durant la saison hivernale. Lors de la première vague, ce chiffre était à peine de 2,2 %. Une nouvelle étude sérologique sera d’ailleurs réalisée « dans les prochaines semaines », afin de prendre en compte la totalité de la sixième vague, propulsée par le variant BA.2. « C’est déjà entendu qu’on sera au-dessus du 30 % », affirme le DGermain.

Essentiellement, l’étude – réalisée sur un peu plus de 1600 donneurs de sang en janvier, en février et en mars – révèle que la vague Omicron a touché plus du tiers des gens dans le Grand Montréal, et environ le quart dans les régions.

Ce sont surtout les moins de 40 ans qui ont contracté le virus dans la métropole, durant la cinquième vague. Pas moins de 70 % des personnes âgées de 18 à 40 ans vivant dans l’île de Montréal ou dans ses couronnes l’auraient notamment attrapé entre décembre et mars.

« C’est impressionnant, parce qu’on parle vraiment d’évidences d’infections récentes, apparues pendant la vague Omicron. Et quand on parle à nos collègues de la Santé publique, ce n’est pas du tout discordant avec d’autres estimations qu’eux font de leur côté », explique le DGermain à ce sujet, précisant que le risque de réinfection demeure bien réel.

Baisse des dons de sang

Au-delà de ces chiffres, Héma-Québec rappelle encaisser encore durement les contrecoups de la sixième vague de COVID-19.

L’organisme dit « peiner à atteindre ses objectifs hebdomadaires, en raison des annulations de rendez-vous ».

Déjà, au début d’avril, tout près de 20 % des dons de sang étaient annulés certaines journées, ce qui représente des taux d’annulation « anormalement élevés ».

« Cette inquiétude-là est bien réelle, d’autant plus qu’avec la période estivale – et c’était comme cela même avant la pandémie –, c’est beaucoup plus difficile de convaincre les gens de prendre du temps pour venir donner du sang », affirme le DGermain, qui appelle la population qui est en mesure de le faire à se mobiliser pour donner du sang.

On suggère notamment aux usagers de vérifier la disponibilité en passant devant un bureau de dons, même si celui-ci ne fonctionne en théorie que sur rendez-vous. L’organisme estime que toutes les 80 secondes, une personne a besoin d’un don de sang au Québec. Le réseau hospitalier, lui, a besoin d’environ 1000 dons par jour pour répondre aux besoins.

Un défi avec la vaccination

Depuis le début de la pandémie, Héma-Québec mesurait chez les participants la présence d’anticorps contre la protéine S, présente à la surface du SARS-CoV-2. Si les tests sanguins révélaient ces anticorps, la personne avait probablement été infectée par le virus.

« Quand notre corps est en contact avec le virus, notre système immunitaire développe des anticorps contre les différentes parties du virus », explique le DGaston De Serres, médecin-chef à l’unité Immunisation de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

La situation s’est toutefois compliquée avec l’arrivée du vaccin. Puisque la vaccination entraîne également le développement d’anticorps contre la protéine S, il devenait alors impossible de distinguer les anticorps induits par la vaccination de ceux par l’infection. Les experts ont donc dû choisir une autre protéine à cibler. Leur choix s’est arrêté sur la nucléocapside, puisque les anticorps qu’elle induit sont présents uniquement chez les personnes ayant été infectées par le virus.

Ce choix de protéine vient toutefois avec un nouveau défi. En effet, les anticorps que la nucléocapside induit sont beaucoup moins durables que ceux contre la protéine de surface utilisés auparavant.

« On peut avoir une bonne idée des infections récentes, mais on n’a pas d’informations sur le nombre de personnes infectées depuis le début de la pandémie », explique le DDe Serres.

Néanmoins, ces études de séroprévalence se révèlent très utiles pour les autorités de santé publique, soutient le DDe Serres. « C’est vraiment très important, puisqu’on s’en sert à plusieurs buts », dit-il.

D’abord, ces études permettent de mettre en place les meilleures stratégies de vaccination possible, en fonction de l’immunité conférée à la population. Les informations permettent également de confirmer les modèles de prédiction de l’évolution de la pandémie. « Ce qu’on a vu avec la vague Omicron a permis de confirmer [l’efficacité de] nos modèles de l’évolution de la pandémie. Le Ministère, le gouvernement et les autorités de santé publique peuvent donc avoir confiance en nos prédictions », conclut-il.