(Montréal) Deux experts en santé publique montréalais affirment que le Québec est déjà entré dans une sixième vague de COVID-19, causée par le sous-variant BA.2 d’Omicron.

Alors que le directeur de la santé publique du Québec par intérim, Luc Boileau, refusait encore dimanche de conclure définitivement à l’apparition d’une « sixième vague », le docteur Don Vinh, du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), ne doute pas que cette vague soit déjà amorcée.

Le docteur Vinh souligne que le Québec a connu une augmentation des cas chez les personnes âgées et dans les foyers de soins de longue durée ainsi qu’une augmentation de 60 % du nombre de travailleurs de la santé en congé de maladie avec le coronavirus, ce qui indique clairement que les cas suivent une courbe ascendante.

« Je pense que ce sont des signaux qui ne peuvent être ignorés et interprétés autrement que pour dire que nous sommes déjà lancés dans cette vague », a-t-il déclaré en entrevue.

Dimanche, le Dr Boileau a déclaré que le sous-variant BA.2, plus contagieux, était désormais dominant dans la province, représentant les deux tiers des cas positifs. Malgré une augmentation des cas, des hospitalisations et le grand nombre de tests positifs dans certaines régions, M. Boileau a dit qu’il était trop tôt pour déclarer le début d’une sixième vague.

L’arrivée du sous-variant BA.2 d’Omicron intervient alors que les provinces ont levé la plupart des restrictions de santé publique.

En Ontario, les données sur les eaux usées suggèrent que les cas sont en augmentation pendant la première quinzaine de mars et le premier ministre Doug Ford a déclaré la semaine dernière que la province se préparait à une augmentation potentielle des hospitalisations.

La Saskatchewan, quant à elle, a déclaré que le sous-variant BA.2 représentait plus du quart des cas au cours de la semaine du 13 au 19 mars, contre 5,4 % la semaine précédente.

La Colombie-Britannique a également connu une augmentation des hospitalisations ces derniers jours, mais le Dr Vinh dit qu’il est impossible de savoir si l’entrée du Québec dans une sixième vague est un signe avant-coureur de choses à venir à travers le pays. « Il est très difficile de savoir à l’avance ce que fera n’importe quelle vague », a-t-il dit.

À titre d’exemple, il a noté que le Québec avait une quatrième vague beaucoup plus petite que le reste du pays. Même au Québec, la nouvelle vague semble frapper de manière inégale, avec un impact plus important à l’extérieur de Montréal.

La modélisation au Québec et en Ontario a suggéré que toute augmentation des hospitalisations sera probablement beaucoup plus faible que les sommets atteints en janvier.

Mais le Dr Vinh, spécialiste des maladies infectieuses, affirme que la modélisation n’est jamais parfaitement précise et devrait être utilisée pour se préparer à différents scénarios plutôt que pour prédire le cours d’une sixième vague.

« Cela entraînera-t-il une poussée qui menace la capacité de notre système de santé ? Est-ce que ce sera un sursaut comme nous l’avons vu le printemps dernier, ou sera-t-elle aussi dévastatrice que la première et, dans ce cas, à nouveau avec les vulnérables et les personnes âgées ? » a-t-il questionné.

« Encore une fois, nous avons cinq vagues qui enseignent différentes leçons. »

Benoît Barbeau, expert en virologie au département de sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal, estime lui aussi que le Québec est entré dans une sixième vague, mais il ajoute qu’il n’y a aucune raison d’être alarmiste.

Le professeur Barbeau explique qu’avec des taux élevés et combinés de vaccination et d’infections dans la communauté, ainsi qu’avec le retour du temps doux, qui facilitera bientôt les sorties à l’extérieur, le Québec est beaucoup mieux équipé pour faire face à cette vague qu’aux précédentes.

« Cette vague, qui est causée par BA.2, ne devrait pas avoir le même impact qu’Omicron », a-t-il déclaré au téléphone.

Cependant, M. Barbeau a souligné que la montée du nouveau variant est un rappel que « la pandémie n’est pas terminée ».

Les deux experts disent que le suivi de la nouvelle vague est un défi étant donné les restrictions sur les tests PCR.

Alors que certaines provinces utilisent des analyses des eaux usées pour surveiller les niveaux de COVID-19 dans la population, le Québec a laissé un projet pilote allant dans ce sens expirer. Il a promis de reprendre les tests dans les mois à venir.

Le professeur Barbeau a indiqué que sa plus grande inquiétude à propos de la nouvelle vague était qu’elle provoquerait un « découragement collectif », ce qui ferait que les gens perdraient confiance dans les vaccins et ne prendraient plus de précautions. Il a déclaré que les vaccins ont fait leur travail en limitant les hospitalisations et les décès, et qu’ils continueront de s’améliorer.

Il est également important, a-t-il dit, que les gens se souviennent de continuer à se protéger et à protéger les autres, même si les restrictions et les mandats de masque ont pris fin dans de nombreuses régions du pays.

Cela signifie porter un masque bien ajusté dans les endroits bondés, ouvrir les fenêtres et améliorer la ventilation, et faire des rappels de vaccins pour ceux qui sont éligibles et qui n’en ont pas eu.

« La sixième vague nous rappelle que la pandémie est là et qu’il ne faut pas se décourager, a conclu M. Barbeau. Nous devons simplement suivre les meilleures directives et être responsables de nous assurer que nous agissons pour limiter la transmission. »