La situation dans les hôpitaux sera déterminante pour savoir si le sommet de la vague a été atteint au Québec. Et ce pic « pourrait arriver sous peu », espère le nouveau directeur national de santé publique par intérim.

Les nouveaux cas de COVID-19 étant de moins en moins représentatifs, il faudra attendre de voir les hospitalisations se stabiliser avant de savoir quand le Québec aura atteint le sommet de la cinquième vague. C’est encore loin d’être le cas, mais déjà, des signes d’optimisme se profilent à l’horizon.

À peine en poste, le nouveau directeur national de santé publique par intérim, le DLuc Boileau, a en effet indiqué mardi que ce pic « pourrait arriver sous peu ». « Est-ce qu’il est arrivé, est-ce qu’il est installé ? Au moment où on se parle, on n’est pas capables de le confirmer. On espère ça pour nous tous, ça va de soi », a-t-il lancé. Le nouveau grand responsable de la gestion de la pandémie dit avoir « espoir » qu’un ralentissement de la croissance s’observe « sous peu ».

« L’indicateur le plus important pour suivre l’évolution de la pandémie, ce n’est plus le nombre de cas, mais le nombre d’hospitalisations, particulièrement aux soins intensifs », a également ajouté le premier ministre, François Legault, à ses côtés.

Devant la forte hausse des cas en décembre, le Québec a décidé de restreindre l’accès aux tests de dépistage. Le nombre de nouveaux cas découverts a ainsi commencé à diminuer depuis près d’une semaine, mais il reste difficile d’y lire une véritable tendance dans l’évolution de la pandémie.

« Notre système de dépistage est saturé, donc on ne peut plus se baser sur les cas d’infection, ça, on le sait. Mais les cas d’hospitalisation, ce sera vraiment l’enjeu majeur. En ce moment, on a non seulement une hausse dans le réseau, mais aussi des problèmes de taille pour ce qui est du personnel. Ce sont deux éléments qui vont à contresens pour bien contrôler la cinquième vague », seconde le virologue Benoît Barbeau, professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM.

M. Barbeau affirme que le taux de positivité des échantillons testés restera malgré tout un « indicateur important », dans la mesure où il permettra de déceler une pointe de baisse parmi les clientèles privilégiées pour le dépistage, notamment dans le réseau de la santé et dans certaines populations plus vulnérables.

Chose certaine : « Il demeurera important de savoir où le Québec est rendu dans la cinquième vague », dit M. Barbeau, ne serait-ce que pour rassurer la population dans l’atteinte d’une certaine tendance, soit du fameux « plateau » que d’autres États dans le monde observent déjà.

L’atteinte du sommet dans les hospitalisations ne signifie pas pour autant que les décès cesseront d’augmenter. Au contraire, on peut s’attendre à ce que le bilan humain continue à s’alourdir pendant un peu plus d’une semaine. Lors des quatre vagues précédentes, les décès ont continué à augmenter durant les sept à dix jours après l’atteinte du sommet dans les hospitalisations. Il est toutefois encore trop tôt pour dire quand le Québec atteindra le sommet des hospitalisations. Le nombre d’entrées est toujours en hausse de 56 % sur une semaine. Le Québec a établi un nouveau record mardi, avec 433 entrées. Les entrées aux soins intensifs aussi demeurent en hausse. On en compte en moyenne 39 par jour, contre 29 sorties.

Des répercussions sur les mesures ?

L’atteinte d’un plateau aura fort probablement « des répercussions sur toutes les autres mesures à commencer par le couvre-feu, ou encore la fermeture des commerces », observe la spécialiste en politiques publiques à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM) Marie-Pascale Pomey.

Si on se rend compte que, effectivement, Delta est passé et qu’Omicron fait moins de pression sur le système, ça pourrait nous amener à revoir les mesures. Mais si on continue à voir beaucoup de pression, que les cas demandent beaucoup de soins, alors ça permettra de justifier des mesures plus draconiennes.

Marie-Pascale Pomey, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

« Ce qui est sûr, c’est qu’il faut avoir l’heure juste rapidement », ajoute Marie-Pascale Pomey.

D’après elle, il faudra surtout suivre de près les hospitalisations et en avoir un portrait très détaillé. « C’est vraiment dans les établissements où il faudra être très attentif aux chiffres, pour voir le nombre de nouvelles hospitalisations dont la cause est spécifiquement la COVID-19, mais aussi les infections acquises dans les établissements qui ont un impact sur la gravité des cas. Si ça ne donne pas de complications majeures en fort nombre dans le réseau, c’est une chose, mais si ça alourdit, c’en sera une autre. Ce sont les soins intensifs qu’il faudra donc également surveiller », relate l’experte.

« Soit une porte de salut, soit la catastrophe »

L’épidémiologiste Nimâ Machouf est aussi de cet avis. « Présentement, tout ce qu’il nous reste comme données, ce sont les hospitalisations, les soins intensifs et les décès, mais ce sont tous des indicateurs qui donnent l’information un jour en retard. À ce stade-ci, il faut donc vraiment aller avec le bon sens, à mon avis », soulève-t-elle.

Québec aura une « décision importante à prendre » dans les prochaines semaines, soutient d’ailleurs en ce sens Mme Machouf. « On ne doit pas se tromper, parce que ça peut soit être une porte de salut, soit la catastrophe. Mais on doit décider si on laisse Omicron courir ou pas. Ça veut dire : est-ce qu’on enlève toutes les mesures barrières, en gardant un strict minimum, en acceptant que les gens s’infectent ? Peu importe le choix, il faut être conséquent pour garder l’adhésion, ce que le gouvernement n’est pas présentement », note-t-elle.

Mme Machouf conclut en rappelant que le rythme avec lequel la vague Omicron a rapidement frappé mais s’est aussi vite estompée en Afrique du Sud est pour le moins « encourageant ». « Les conditions ne sont pas les mêmes là-bas, notamment le taux de vaccination beaucoup plus faible, mais si on s’y réfère, on peut quand même penser que la cinquième vague s’estompera plus rapidement au Québec. »

Avec Pierre-André Normandin, La Presse

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