Québec presse Ottawa de déployer des soldats des Forces armées canadiennes rapidement, afin de soutenir ses efforts visant à accélérer la campagne de vaccination d’une dose de rappel. Le gouvernement Trudeau se dit ouvert à l’idée, mais rappelle que ses ressources sont limitées. La Croix-Rouge est également appelée à prêter main-forte.

« Omicron menace la capacité hospitalière du Québec. Il faut accélérer la vaccination des Québécois. J’ai officiellement demandé au gouvernement fédéral l’assistance des Forces armées canadiennes et de ressources d’autres organisations en mesure de contribuer à la vaccination de masse », a en effet indiqué la ministre de la Sécurité publique et vice-première ministre, Geneviève Guilbault, en fin de journée mardi.

Une source fédérale avait indiqué à La Presse en début de journée que « des conversations auront lieu » entre Québec et Ottawa dès lors que le gouvernement de François Legault aura soumis une demande.

Dans une lettre envoyée à la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, que La Presse a obtenue, Geneviève Guilbault précise que le gouvernement québécois souhaite une confirmation du fédéral « dans les meilleurs délais, afin de coordonner efficacement le déploiement des efforts exceptionnels consentis à cette campagne de vaccination ».

Nous observons une augmentation inquiétante des hospitalisations de sorte que nous craignons atteindre rapidement les limites de la capacité du réseau hospitalier québécois. L’une des mesures privilégiées par nos experts pour ne pas atteindre ces limites est d’accélérer la campagne de vaccination pour la troisième dose.

Geneviève Guilbault, vice-première ministre

Elle souligne également que la mobilisation de ressources supplémentaires s’est amorcée depuis plusieurs jours, mais qu’il faut « tout de même prévoir des moyens additionnels d’urgence pour assurer la protection de la population et le maintien des services hospitaliers ».

Ottawa, de son côté, précise que les ressources sont limitées. Tout au plus, on compte moins d’une cinquantaine de membres des Forces armées canadiennes qui ont la formation nécessaire pour vacciner. « Nos ressources sont limitées. Vacciner est un geste médical qui requiert une formation. Et les ressources limitées que nous avons à notre disposition, c’est pour l’ensemble du pays », a souligné une autre source gouvernementale qui a requis l’anonymat parce qu’elle n’était pas autorisée à parler publiquement de ce dossier. D’autres provinces pourraient aussi soumettre une demande.

Il serait possible de déployer des militaires pour effectuer d’autres tâches comme le traçage du variant Omicron. Cela pourrait permettre à Québec de dégager des ressources médicales pour vacciner, a-t-on évoqué comme piste de solution pour maximiser l’effort de vaccination. Le variant Omicron représente maintenant 80 % des cas de COVID-19 au Québec. Il est donc « désormais dominant » dans la province, selon une analyse parue mardi de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

La Croix-Rouge aussi sollicitée

Mi-avril 2020, 1100 militaires avaient été déployés dans une vingtaine de CHSLD du Québec. Leur mission devait initialement prendre fin le 12 juin, mais François Legault avait réclamé une prolongation afin de mener à bien sa campagne de recrutement de 10 000 nouveaux préposés aux bénéficiaires. La moitié des militaires, soit environ 500 d’entre eux, sont donc finalement demeurés dans les centres d’hébergement québécois pendant quelques semaines supplémentaires. Leur mission a duré près de trois mois.

Ils ont par la suite été progressivement remplacés par du personnel de la Croix-Rouge canadienne. En tout, les Forces armées canadiennes ont déployé du personnel dans 47 centres de soins de longue durée, d’avril à juin 2020. La Croix-Rouge a pour sa part été présente dans 89 sites de juillet 2020 à la fin mars 2021.

L’organisme humanitaire a d’ailleurs confirmé mardi avoir récemment « reçu une demande » du gouvernement du Québec afin de soutenir la campagne de vaccination. Rien n’est toutefois officiel en vue d’une entente, précise un porte-parole, qui rappelle qu’une décision devrait être prise prochainement. D’autres détails devraient donc être connus dans les prochains jours.

Une réalité à considérer

Contrairement aux Forces armées américaines qui participent aux efforts de vaccination aux États-Unis, les Forces armées canadiennes ne comptent pas de corps médical en tant que tel qui peut être déployé.

Le ministère de la Défense ne gère plus les hôpitaux pour les anciens combattants, par exemple, comme c’était le cas pour l’ancien hôpital militaire de Sainte-Anne-de-Bellevue, près de Montréal. Le gouvernement fédéral a cédé cet établissement au Québec en 2016 et lui a versé des millions pour que les anciens combattants puissent continuer d’y recevoir des services.

Ainsi, le scénario le plus probable permettrait d’envisager un déploiement de soldats dans les centres de vaccination au début de janvier. « Québec doit évaluer ses besoins adéquatement d’abord et avant tout », a tenu à souligner une source à Ottawa.

De son côté, le Nouveau Parti démocratique (NPD) a exhorté le gouvernement Trudeau à utiliser tous les outils à sa disposition, y compris les Forces armées canadiennes, pour accélérer la campagne de vaccination. « La population canadienne fait de son mieux pour suivre les conseils de santé publique en se faisant vacciner. Les gens attendent des heures dans le froid pour recevoir leur troisième dose ; ils font leur part. Pourtant, beaucoup de personnes ne sont pas en mesure d’obtenir leur dose de rappel en temps voulu. Le gouvernement libéral doit faire tout son possible pour s’assurer que les vaccins sont disponibles et administrés rapidement », a fait valoir le député Don Davies, porte-parole du NPD en matière de santé.

« Alors que le nombre de cas monte en flèche et que les hospitalisations augmentent, il n’y a pas de temps à perdre. Le gouvernement fédéral doit agir rapidement pour fournir ces vaccins. Déployer les Forces armées canadiennes pour aider est une mesure de bon sens au milieu de cette crise de santé publique », conclut-il.