Si une troisième dose de vaccin est la meilleure arme dont on dispose contre le variant Omicron, elle n’est pas non plus miraculeuse, préviennent des experts consultés par La Presse, qui pressent les Québécois de ne pas baisser la garde.

Une étude diffusée mercredi, cosignée par des chercheurs réputés de l’Université Columbia mais pas encore passée au crible de l’examen par les pairs, signale un échappement vaccinal « frappant » du variant Omicron face aux anticorps.

Consultez l’étude (en anglais)

« C’est un petit peu troublant », constate Alain Lamarre, professeur et chercheur spécialisé en immunologie, virologie et cancer à l’Institut national de la recherche scientifique.

« Ça indique que les anticorps sont très affectés dans leur capacité à neutraliser le virus contre Omicron et que même avec une troisième dose, ça ne remonte pas au niveau initial », explique-t-il.

Face à Omicron, « les doses de rappel ne vont pas vous rendre aussi protégé que ce que vous aviez face au variant Delta », indique Benoit Barbeau, virologue et professeur au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal.

« Je pense que c’est une bonne idée de mettre en perspective qu’une troisième dose ne sera pas miraculeuse », note Andrés Finzi, immunologue de l’Université de Montréal.

Ce constat « frappant » est à mettre en contexte, relèvent toutefois les chercheurs.

« La protection, c’est beaucoup plus complexe que la capacité de ces anticorps à neutraliser le virus dans une éprouvette », rappelle M. Lamarre.

« Chez une personne, c’est quand même assez différent. Il n’y a pas seulement les anticorps, il y a d’autres éléments dans la réponse immunitaire, il y a les cellules, les composantes cellulaires », abonde M. Barbeau.

Il faudra voir « en vie réelle », dans d’autres pays où l’administration de la troisième dose est plus avancée, prévoit M. Lamarre.

La troisième dose n’aura pas un effet spectaculaire, mais elle devrait avoir un effet suffisamment important pour vous donner une meilleure capacité de lutter contre l’infection. Alors c’est loin d’être un coup d’épée dans l’eau.

Benoit Barbeau, virologue et professeur au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal

« Une troisième dose de rappel pourrait ne pas vous protéger adéquatement d’une infection à l’Omicron, mais bien sûr, il est conseillé de la recevoir », écrivent d’ailleurs les auteurs de l’étude américaine.

Troisième dose nécessaire

Si deux doses protégeaient à 95 % contre les hospitalisations et à 75 % contre les infections dans le cas du variant Delta, ce n’est plus vrai dans le cas d’Omicron, insiste la pédiatre et microbiologiste-infectiologue Caroline Quach-Thanh, du CHU Sainte-Justine. « Deux doses, c’est 40 % de protection contre les infections et autour de 70 % de protection contre les hospitalisations. La dose de rappel augmente cette protection. »

Or, il faut absolument limiter les infections, plaide-t-elle, non sans émotion.

Si on a beaucoup de gens infectés avec le même pourcentage de complications [qu’auparavant], les hôpitaux vont déborder. Mais notre réseau de la santé n’est plus capable, ça fait 22 mois qu’il roule à plein, les gens sont crevés !

Caroline Quach-Thanh, pédiatre et microbiologiste-infectiologue au CHU Sainte-Justine

La troisième dose n’a d’ailleurs pas montré de risque particulier. « Le profil d’innocuité est à peu près similaire par rapport à la deuxième dose. En Israël, le risque de myocardite est plutôt semblable au risque suivant une première dose, c’est-à-dire moins élevé », indique la Dre Quach-Thanh.

Pour adultes seulement

La campagne de troisième dose accélérée annoncée par Québec jeudi s’adresse uniquement aux adultes. « On n’irait pas d’emblée, avant d’avoir des données d’innocuité, offrir la troisième dose pour les plus jeunes », souligne la pédiatre.

La société pharmaceutique Pfizer a toutefois annoncé vendredi vouloir tester une troisième dose de son vaccin chez les enfants de 6 mois à moins de 5 ans, rapporte par ailleurs l’Agence France-Presse. Pfizer dit aussi avoir commencé des essais d’une dose de rappel chez 600 adolescents de 12 à 17 ans.

Sentiment trompeur

Face au variant Omicron, « même avec trois doses, il ne faut pas avoir un sentiment de sécurité trop fort », prévient M. Lamarre, en insistant sur l’importance de conserver les mesures barrières et d’éviter les contacts le plus possible.

Les masques, mais aussi les systèmes de ventilation et de purification d’air et les tests rapides, ainsi que les antiviraux quand ils seront offerts, doivent aussi faire partie de l’arsenal, ajoute M. Barbeau.

« On ne peut pas vacciner la population au complet tous les trois mois parce qu’il y a un nouveau variant », dit-il en évoquant les enjeux de logistique, de coûts et d’efficacité.

Le scénario « qui est fort probable et, je dirais, espéré le plus rapidement possible pour qu’on passe finalement d’une pandémie à une endémie » serait plutôt une dose annuelle, possiblement combinée au vaccin contre l’influenza « et reflétant un peu les variants en circulation », expose-t-il.